Terre 6354 - Siège de l’Unicorps - Infirmerie annexe
Frédéric plié en deux et Miles inerte sur le sol, seul Lambert était dorénavant capable de protéger les civils lésés des soins fatals de cette infirmière démente. Le militaire savait parfaitement qu’il n’était pas à la hauteur. Elle le lui avait déjà démontré en lui faisant tuer accidentellement l’un de ceux qu’il était censé protéger. Néanmoins, cela ne l’empêcha pas de la tenir en ligne de mire. L’infirmière était en train de sourire. De ses pieds imprégnés de matière noire, elle formait une véritable flaque. C’est alors qu’elle prit une posture des plus décontractée. Elle plaça et croisa ses bras derrière son dos, baissa la tête comme une collégienne timide et se mit à dessiner machinalement de petits arcs de cercle sur le sol de son pied droit.
« - Dites, Monsieur le Militaire ? Vous voulez bien me laisser jouer avec vos amis ? » fit-elle d’une voix enfantine.
« - Espèce de tarée ! Plutôt mourir que de te laisser leur faire plus de mal ! »
« - C’est pas très gentil comme réponse, ça ... »
« - Mais c’est avec plaisir que je vais te dépecer avant de m’en prendre aux autres ! » ajouta-t-elle en prenant un ton beaucoup plus bestial et dévoilant une rangée de dents plus aiguisées les unes que les autres.
Elle disparut brutalement dans la mare de matière noire à ses pieds. Alors qu’elle réapparaissait dans le dos de Lambert, un trait de flammes zébra la pièce en sa direction. Lambert fut tétanisé devant la précision avec laquelle Frédéric venait de tirer. Quant à l’infirmière, elle n’était pas encore ressortie totalement de la matière noire que déjà elle s’y ré-engouffrait pour esquiver le tir infernal.
« - JEREMIAH ! BOUCLIER TOTAL !! » cria Frédéric tandis que l’infirmière réapparaissait au milieu de la pièce.
« - Tu prends tes désirs pour des réalités, je ne vois pas le moindre bouclier, moi ».
« - Essaie donc d’atteindre un quelconque membre de mon groupe ! » rétorqua Frédéric.
« - Tu me donnes la permission d’en écharper un ? Chouette ! Mais je ne vais pas m’en contenter d’un ».
A ces mots, l’infirmière disparut et tenta de réapparaître au beau milieu du groupe de civils. La seule chose que tous virent fut une main tentant de sortir du sol mais manifestement bloquée par un mur invisible. L’infirmière réapparut au centre de la pièce, l’air renfrogné.
« - Eh bien alors ? On n’y arrive pas ? » lui lança Frédéric en souriant difficilement puisque les parties encore douloureuses.
« - Si ce ne sont pas les blessés, alors ce seront les valides ! »
Immédiatement, elle disparut à nouveau. Elle réapparut hors de l’infirmerie, la face écrasée contre le bouclier télékinésique que Jeremiah avait dressé également autour de son groupe. Le vampire resta impassible face à cette monstruosité tandis que Wade semblait s’en amuser et que Toole la raillait ouvertement. Elle réapparut à nouveau dans l’infirmerie.
« - Vous avez tout prévu. C’est ... agaçant ! » fit-elle en fronçant plus encore les sourcils.
« - Miles ... dégagez ! » dit alors Frédéric sur un ton des plus froid.
Miles, récupérant tout juste, se téléporta jusqu’à Lambert. Maîtrisant bien mieux la matière noire que l’infirmière, il n’avait pas besoin de porte de sortie localisée pour se déplacer ; ce qui lui permit de l’emmener sous le bouclier de Jeremiah.
« - Ça se résume donc à un petit tête à tête en amoureux ? » dit l’infirmière, sur un ton innocent.
Mais Frédéric ne répondit pas.
« - Tu fantasmes sur les infirmières, je parie. Comme tous les hommes, tu te demandes ce que je porte sous ma blouse ? Je vais te le dire : Je ne porte strictement rien ! L’idée que n’importe qui le découvre à tout moment m’excite profondément » lui confia-t-elle en chuchotant tout en se caressant.
Frédéric resta impassible à cette fausse séduction des plus vulgaire.
« - Tu as raison ! Ne brûlons pas les étapes. Tout rendez-vous amoureux qui se respecte doit se finir par un baiser langoureux ... Tu ne m’en voudras pas si j’y mets ... les dents ! »
A ce moment, ses lèvres se retroussèrent à nouveau pour dévoiler la rangée de crocs avant qu’elle ne disparaisse dans la flaque de matière noire qu’elle avait créée durant son speech. Frédéric ne réagit pas, à nouveau. Il savait pertinemment ce qu’elle préparait depuis le début. Elle réapparut derrière lui. Alors qu’elle s’apprêtait à l’enserrer dans ses bras et à le mordre dans le cou à pleines dents ... Frédéric s’embrasa. Réactive, l’infirmière parvint in extremis à esquiver une brûlure mortelle. Elle réapparut à quelques mètres derrière lui. Frédéric se retourna alors pour voir qu’il lui avait roussi la face et cramé quelques cheveux.
« - Tu m’as tellement chauffé que je me suis embrasé ! » lui adressa-t-il.
L’infirmière fronça les sourcils et serra les dents. Frédéric, ses flammes éteintes, lui tendit la main droite.
« - Veux-tu danser un tango enflammé avec moi ? »
C’est alors qu’il lança une boule de feu en sa direction d’un geste anodin. L’infirmière esquiva en se fondant dans une nouvelle flaque de matière noire. Se souvenant de la démonstration de Miles quelques minutes plus tôt, Frédéric savait que ces flaques agissaient tels de petits portails dimensionnels à courte portée sans aucune restriction et cela, il comptait bien s’en servir.
« - Vois-tu, j’ai demandé à mon ami d’ériger un bouclier autour de tout le monde. C’était non seulement pour les protéger de toi ... mais aussi de moi ! »
A ces mots, Frédéric tira d’innombrables boules de feu en direction de toutes les flaques ténébreuses qu’il pouvait voir. Comme espéré, de véritables geysers de flammes se mirent à jaillir des flaques de matière noire, zébrant tout espace et transformant les pièces, salles et couloirs en véritables incinérateurs. L’infirmière surgit d’une de ses flaques complètement enflammée et hurlant d’agonie. Elle s’étala sur le sol, le corps en train de brûler. Frédéric cessa son attaque. Ses flammes se dissipant, il entendit l’infirmière gémir. Frédéric s’approcha d’elle et s’agenouilla au niveau de sa figure. Il empoigna le peu de cheveux qu’il lui restait et lui souleva la tête.
« - C’était peu être un peu trop chaud comme danse pour toi, non ? »
Dans un dernier sursaut de vitalité, l’infirmière parvint à créer une dernière flaque par laquelle elle disparut au prix de ses derniers cheveux.
« - Je me disais aussi ! Rien de plus qu’une allumeuse ! » conclut Frédéric en se relevant.
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Univers 9105 - Planète Janus 24 - Temple Chozo - Fontaine
Face au groupe, la fontaine faisait jaillir une eau d’un bleu électrique, presque radioactif ... ce que personne ne comprenait. Était-ce une volonté des Chozos ? L’eau qui était traitée dans la station d’épuration semblait pourtant limpide et cristalline. Qu’est-ce que cela voulait-il dire ?
« - Isaac, peux-tu analyser cette eau ? » demanda Frédéric.
« - C’est déjà fait, Frédéric. Le liquide qui jaillit de la fontaine ne peut plus être qualifié d’eau tellement sa teneur en phazon est élevée » indiqua le drone.
« - Ce n’est donc pas intentionnel de la part des Chozos ... puisque le phazon n’est apparu sur cette planète qu’après leur départ. Ça m’étonnerait que cette eau polluée déverrouille la serrure élémentale » comprit Frédéric.
« - Ça, on n’en sait rien ! Mieux vaut aller le vérifier avant de s’évertuer à trouver la source de la pollution, si ça se trouve, pour rien » répondit Wade.
« - Trouvons déjà une salle pour que je puisse y aider Miles » rappela Jeremiah.
Grâce au rappel du vampire, ils se mirent en quête d’une pièce où Jeremiah pourrait sommeiller en toute quiétude. La recherche ne fut pas longue. Isaac ayant téléchargé les plans du temple dévoila l’existence d’une petite remise adjacente à la pièce de la fontaine.
Le groupe fut quelque peu étonné. Hormis les portes menant à la serre, au grand hall ou aux bains, personne n’avait remarqué d’autres portes. Et pour cause, jusque-là elle avait été entièrement masquée par les lichens de la plante carnivore. Tombant en décrépitude, les lichens ne la masquaient plus parfaitement. Ses contours étaient dorénavant visibles. Jeremiah s’avança et posa sa main à plat sur la porte. Il propagea une onde de froid qui fit tomber les derniers restes végétaux en paillettes de glace. La porte tenta alors de s’ouvrir mais ne se souleva que d’une vingtaine de centimètres. Le vampire se baissa et la souleva sans grands efforts, rappelant à tous que sa force physique n’était pas négligeable.
La remise était plutôt spartiate et étroite. Il y avait là une petite étagère sur laquelle résidaient quelques menus outils à l’aspect futuriste et à l’utilité mystérieuse, le tout couvert d’une épaisse couche de poussière. Mais peu importe ! Le plus important c’était que la pièce était sûre.
Frédéric y installa délicatement Miles avant de sortir pour permettre à Jeremiah de s’installer à son tour. Le vampire s’assit en tailleur, le dos accolé au mur du fond de la petite pièce. Il observa le corps de son ami sur qui de plus en plus de veines d’un bleu lumineux apparaissaient. Il était urgent qu’il aide son ami à se débarrasser du parasite.
Wade les rejoignit à son tour. Ce dernier lui rappela brièvement comment ça allait se passer et qu’il devait se détendre au maximum. Jeremiah ferma les yeux et se laissa aller. Il n’opposa aucune résistance lorsque Wade sépara son esprit de son enveloppe charnelle pour le plonger dans l’esprit tourmenté de Miles.
A peine l’esprit de Jeremiah plongea-t-il dans celui de Miles que son corps se mit à dégager un froid de plus en plus intense. Rapidement, du givre commença à se former sur le mur de la remise derrière Jeremiah. Il se propagea rapidement autour de lui et commença à s’épaissir. Mais il n’y avait pas que sur le mur que du givre commençait à se former. Le corps même de Jeremiah se recouvrit d’un manteau blanc et scintillant. Ce givre se transforma à vue d’œil en glace. En l’espace de quelques secondes, les corps de Jeremiah et de Miles furent enveloppés dans un cocon de glace.
« - Frédéric ! Viens voir ! » l’alarma Wade.
« - Qu’est-ce que ... ? » fit Frédéric en voyant cette glace.
Wade le laissa entrer. Frédéric vint au contact de la glace et tapota dessus de l’index replié. Manifestement, elle semblait particulièrement solide. Il tendit alors son index et l’enflamma. Il tenta de l’enfoncer dans le cocon de glace mais n’y parvint pas.
« - On dirait un mécanisme d’autodéfense » dit-il alors.
« - Je ne suis pas sûr de pouvoir le faire fondre sans raser tout le temple » admit-il.
« - Ils sont donc en sécurité ! » conclut Wade en tournant les talons.
« - Où vas-tu ? »
« - Au grand hall. Je vais vérifier l’état des serrures élémentales ! »
« - Fais gaffe à toi ! »
« - Ce ne sont pas des clones de Scrof qui vont me faire peur » répliqua-t-il en souriant.
Wade poursuivit son chemin et sortit de la pièce. Alors qu’il avançait le long du couloir en chicane, Wade se tendait de plus en plus. Qu’allait-il découvrir dans le grand hall ? Qui allait-il l’accueillir ? Sans connaître le moindre instant d’hésitation, il franchit la porte et arriva dans le grand hall. Comme il aurait dû s’y attendre, le hall portait les nombreux stigmates du combat qui avait opposé les Xion aux Scrof. Du sol au plafond, du sang tapissait le grand hall. Qui que fussent les vainqueurs, ils avaient dû payer un lourd tribu pour cette victoire. Wade ne savait pas ce qui était le plus dérangeant , cette abondance de fluide sanguin ou l’absence totale de cadavres ? Il en déduisit alors que ce fut les Scrof, menés par Baker Bane, qui avaient remporté la victoire. Les Xion ne se seraient certainement pas souciés de laisser des cadavres derrière eux. Cela ne pouvait être que la volonté d’un maniaque.
Comme pour s’assurer qu’aucun piège ne lui était tendu, Wade passa en vue spectrale. S’illuminèrent alors devant lui de multiples trainées spirituelles esquissant un maillage chaotique et inextricable. Les trainées zébraient tout le hall en tous sens. Néanmoins, aucune d’entre elles était toute fraîche. Tous semblaient avoir quitté les lieux peu de temps après l’issue du combat. Il leva les yeux vers les balcons et ne vit aucune lueur particulière. Si quelqu’un tentait de s’y dissimuler en reculant le plus possible, Wade aurait tout de même aperçu une légère lueur. Mais il n’y avait rien.
Au moment où il allait reprendre sa vision normale, quelque chose attira son attention. Il remarqua une traînée spectrale presque blanche ... et particulièrement vive. Elle était toute récente. Elle était si lumineuse qu’il se demandait comment il avait pu la rater lorsqu’il avait balayé la pièce. La réponse était simple, elle venait d’être laissée. Il n’était donc pas seul dans le grand hall. Il suivit la trainée spectrale des yeux sur plusieurs mètres jusqu’à la voir disparaître sur le balcon du deuxième étage. Wade s’éleva pour suivre cette trainée si particulière. Avant même d’arriver à la hauteur du balcon, il sut qu’il devait se tenir sur ses gardes. Du sang commençait tout juste à goutter du second étage. Arrivé à hauteur, il comprit pourquoi il n’avait vu aucun cadavre. Ils étaient tous agglutinés contre une porte donnant à l’extérieur du grand hall. Ils avaient été tous amoncelés en un tas grotesque et morbide. Bien que cela aurait soulevé le cœur de n’importe qui, Wade resta impassible devant cette macabre découverte. Son regard s’attarda sur chacun des cadavres. Plusieurs Scrof avaient le corps couvert d’entailles profondes dues aux appendices coupants des Xion. Ces derniers avaient plutôt des membres brisés et des parties du corps calcinées. Cela représentait environ la moitié des cadavres qu’il pouvait observer. Tous les autres avaient été réduits en charpie. Quant à la trainée spectrale, elle traversait purement et simplement la porte. Qu’est-ce qui s’était passé ici ? Quoi que ce fut, la traînée s’estompait déjà.
Wade se retourna et balaya à nouveau tout le hall ... mais il n’y avait pas d’autre trainée spectrale du même genre. Il redescendit prudemment jusqu’au rez-de-chaussée. Pieds à terre, il reprit sa vision normale et s’avança vers la statue du gigantesque Chozo. Au-dessus de lui, seules deux lumières étaient toujours allumées. Celle correspondant à la serrure hydrique était toujours éteinte. Ils allaient donc devoir chercher la cause de cette pollution au phazon. Alors qu’il se retournait pour reprendre la porte par laquelle il était revenu, la lumière de la pièce décrut drastiquement et la température ambiante baissa d’un coup.
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Pièce de la fontaine
Frédéric observait le liquide luminescent qui jaillissait de la fontaine avec scepticisme. Il était persuadé que la serrure élémentale correspondante à l’eau ne serait jamais déverrouillée avec cette eau polluée.
« - Isaac ? Sais-tu d’où provient ce phazon ? » demanda-t-il au drone, qui était resté inexplicablement avec lui.
« - J’ai détecté que les conduites sous les bains étaient endommagées. Elles ne l’étaient pas suffisamment pour empêcher l’acheminement de l’eau. Néanmoins, il est probable que du phazon s’infiltre dans les canalisations par cet endroit. De plus, grâce au piratage du réseau informatique du temple j’ai pu avoir accès aux divers appareils de mesure du temple. Les relevés indiquent que la canalisation a été endommagée lors de l’impact du météorite. Il en a résulté une pollution par le phazon peu de temps après. Les systèmes du temple ne se sont pas arrêtés dès l’impact. La fontaine a continué d’être en fonction durant plusieurs années. Après le départ des Chozos, la fontaine a cessé d’être entretenue et a vu le développement d’un champignon. Champignon qui s’est grandement développé au contact du phazon. Dès lors il s’est mis à filtrer l’eau pour en retirer tout le phazon et devenir la partie fongique du parasite composite que vous avez combattu ».
« - Okay ! Donc détruire cette saleté de plante nous a aidés pour la serrure solaire mais nous handicape dorénavant pour la serrure hydrique. Peux-t-on endiguer ou détourner cette source de phazon ? »
« - Les relevés des appareils de surveillance du temple ne me permettent pas de le dire. Néanmoins la radioactivité dégagée par le phazon me permet de le suivre et de remonter à la source ».
« - La zone d’impact du météorite. Elle est loin ? »
« - La distance qui nous sépare de la zone d’impact nécessite que nous ayons recours aux capacités de téléportation de Miles. Néanmoins, la source de phazon qui nous préoccupe ne se situe qu’à un jour de marche et, paradoxalement, la concentration en phazon y est beaucoup plus élevée qu’au site d’impact ».
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A suivre dans le chapitre 335 : Dilemme mortel
Mer 8 Fév - 23:19 par Shion