Univers ??? - Grande Bibliothèque - Hall d’Assimilation

Le Hall d’Assimilation se trouvait dans la section des archives. Il se situait à l’arrière de la Chambre Blanche. Le seul moyen d’accéder à ce hall était de passer par la Chambre Blanche. Quiconque avait l’infini honneur de converser avec le dieu Mimir avait ensuite immanquablement la nécessité d’assimiler les éléments de réponse que la divinité lui avait procurés. C’était un havre de paix au sein duquel l’on pouvait pleinement méditer. La pièce était tel l’intérieur d’un diamant aux innombrables facettes. Des miroirs à perte de vue, du sol au plafond donnant une impression d’espace infini où l’on ne pouvait se cacher et où l’on ne pouvait pas faire autrement que faire face à ce qui nous avait été révélé.
Dans les premiers instants cette réflexion infinie donnait le tournis à quiconque. L’effet était recherché pour déconnecter le conscient et laisser le subconscient digérer l’information ... Habituellement ...

Premier à avoir pénétré dans la Chambre Blanche, Reinhardt fut tout naturellement le premier à arriver dans le Hall d’Assimilation. D’ordinaire, ceux qui étaient gratifiés d’une rencontre avec Mimir arrivaient en ce lieu sur leurs deux jambes, plus s’ils en possédaient plus, mais toujours sur un parfait équilibre. Ce n’est qu’en réalisant la pièce où ils étaient arrivés qu’ils se mettaient à tituber.
Pour Reinhardt ce fut l’inverse. Il pénétra dans le hall comme si on l’y avait jeté, roulant-boulant sur quelques mètres. Et tel avait bien été le cas. Ne voulant pas se plier aux conditions de l’entretien, Reinhardt avait voulu soutirer à Mimir toutes les informations qu’il possédait sur le démon Alricaus en l’accablant de questions. Mais la divinité ne s’était contenté que d’une réponse ... qui ne convint pas à Reinhardt. Ne voulant pas quitter la pièce, et même si le corps de Mimir ne se résumait plus qu’à une simple tête depuis des millénaires, il avait su développer une télékinésie d’un niveau rarement atteint même pour une divinité. Sa télékinésie était si précise qu’il pouvait littéralement changer le plomb en or d’une "simple" pensée en agissant directement sur les protons de chaque atome constituant la matière. Alors, éjecter un malotru de sa Chambre Blanche relevait d’une simplicité enfantine.

A peine Reinhardt fut-il rejeté que la porte disparut de sa vue, se fondant parmi l’infinité de miroirs. Ce dernier se mit à genoux et hurla toute sa rage de ne pas avoir obtenu la réponse qu’il désirait. Il frappa le sol de ses poings durant de longues secondes, brisant les miroirs du sol mais sans se blesser. Ce qui le fit cesser lorsqu’il s’en rendit compte. Stupéfait de ne pas avoir la moindre coupure, il eut la stupéfaction de voir les miroirs se reconstituer. Il se releva.

« - Bordel ! Où est-ce qu’on m’a jeté ? » fit-il à voix haute en observant la salle qui renvoyait d’innombrables reflets de sa personne où que son regard portait.

« - JE SUIS SENSÉ FAIRE QUOI DE CETTE RÉPONSE ?? IL EST HORS DE QUESTION QUE JE FASSE CA !!! JE TROUVERAIS UN AUTRE MOYEN !!! VOUS M’ENTENDEZ ??? Je trouverais un autre moyen ! ... Il y a forcément ... un autre moyen ... » fit-il en retombant à genoux, abattu.

Une dizaine de minutes après l’arrivée de Reinhardt, le Hall d’Assimilation vit l’arrivée de l’hôte d’un second Cavalier de l’Apocalypse en la personne de Wade. Contrairement à son ... compagnon, il pénétra le hall debout sur ses deux jambes, marchant normalement et à son rythme.

Les innombrables miroirs trahirent immédiatement son arrivée. Malgré la désorientation totale que les reflets encore plus nombreux produisaient, Reinhardt se retourna vivement droit vers Wade ... ou plutôt la porte qui se refermait dans son dos. N’appréciant que très mal les distances dans ce hall, Reinhardt préféra s’élancer en courant avec la ferme intention de retourner dans la Chambre Blanche.

Bien que Wade levait le nez pour contempler l’incroyable mosaïque réflective, sa conscience n’était pas altérée pour le moins du monde. Il ne s’était pas abandonné à l’émerveillement que la salle pouvait procurer chez le commun des mortels. Au moment même où Reinhardt tenta de le dépasser, Wade tendit son bras fermement et l’arrêta net.

« - LÂCHE-MOI !!! »

« - Tu as eu ta chance, maintenant c’est trop tard » répondit froidement Wade.

« - Quoi ? »

« - Mnémosyne nous avait parfaitement prévenus que nous n’aurions droit qu’à une seule question. Tu t’es précipité, tu l’as manifestement gâchée, dommage ».

Derrière Wade la porte se referma complètement, sans un bruit. Reinhardt fulminait. Son regard se tourna vers Wade sans prendre la peine de dissimuler un seul instant la haine qu’il éprouvait pour lui. Il se dégagea de sa poigne en lui assénant un coup de coude particulièrement brutal derrière la tête.

« - Je t’ai déjà dit de ne pas me toucher !!! » fit-il avec rage.

Ayant fait quelques pas en avant sous l’impact, Wade finit par se retourner vers Reinhardt.

« - Qu’as-tu demandé ? Comment tu pouvais tuer Alricaus ? »

Les muscles des joues de Reinhardt se bandèrent, prêts à saillir tellement il serrait les dents. Wade eut sa réponse sans que Reinhardt n’eut à dire quoi que ce soit.

« - Et que t’as répondu Mimir ? Que tu n’en avait actuellement pas la force ? »

« - Qu’est-ce que ça peut te foutre ? » répliqua Reinhardt.

« - Que ça te plaise ou non, nos destins sont liés. Nous sommes quatre à retenir les Cavaliers de l’Apocalypse en nous ».

« - Certains les retiennent mieux que d’autres ! » cracha Reinhardt.

« - Certains ne ferment pas les yeux en espérant qu’ils disparaissent » rétorqua Wade.

« - Et tu te sens comment ? Épanoui à te faire titiller la rondelle par une horreur sans nom ? Je ne suis pas une marionnette, moi ! »

« - Non, plutôt un lâche ».

« - Comment oses-tu me traiter de lâche alors que tu n’as pas eu l’honnêteté de révéler à tout le monde ce qui nous était arrivé chez Alricaus ... ce qui M’ÉTAIS arrivé ! Bien sûr que non ! T’étais trop content de voir une copie de toi continuer à vivre comme tu aurais pu le faire ! Quelle bravoure !! »

« - Pauvre petit garçon malheureux qui croit être le seul à qui tous les malheurs arrivent. On t’a volé quelques années de ta vie ? Regarde Jeremiah ! Il est mort, JE suis mort, on nous a VOLÉ notre vie et nous sommes damnés à rester piégés avec ces cavaliers même après notre mort. Oh mais c’est vrai, après avoir oscillé entre la vie et la mort, je ne suis définitivement mort que depuis relativement peu de temps. Par contre cela fait combien de temps pour Jeremiah ? Ça fait plus d’un siècle que son cœur a cessé de battre ... et il ne se plaint pas, il ne chouine pas, il a mis ce temps à profit pour coexister avec son hôte car il a parfaitement compris que cela ne servait à rien de pleurer sur son sort ! »

En entendant cela, Reinhardt finit par se taire.

« - Tu as un monstre en toi ? Fais comme on le fait avec nous depuis le départ ... sers t’en pour atteindre ton objectif ! »

« - Je ... Je ne sais pas comment faire ... » admit Reinhardt.

« - Personne ne sait ! Ils sont tous différents. L’humanité les a toujours dépeints comme faisant front commun, semblables et implacables ... mais ils sont tout autant différents les uns des autres que toi et moi ».

« - Et si je ne parviens pas à le garder en laisse ? »

« - Sur la planète test, j’ai constaté à travers les yeux de Mort que Famine était capable d’affaiblir Guerre ... et je suis à peu près sûr de pouvoir aboutir à un résultat similaire sans avoir à relâcher Mort » fit Wade en montrant sa main décharnée.

« - Il faudrait que je te fasse confiance maintenant ? »

« - Nous sommes dans le même pétrin et avons le même but ».

« - Mon but est de tuer Alricaus ! »

« - Non ! Ton but est de tuer Moloch ! C’est lui le commanditaire, Alricaus n’est qu’un exécutant ».

« - Ça va les garçons ? » fit soudain une voix féminine.

Tous deux se retournèrent pour reconnaître Milla. Derrière elle la porte se refermait lentement sur la Chambre Blanche mais cette fois Reinhardt n’esquissa aucun geste pour s’y précipiter. Il laissa la porte se refermer sans bouger.

« - Cette pièce nous fait perdre tout repère mais ... on est en train de s’y habituer. Fais attention où tu marches » répondit Wade.

L’hôte de Mort ne désirait pas exposer la nature de l’échange qu’il venait d’avoir avec Reinhardt et ce dernier s’en était bien rendu compte. S’était-il trompé sur son compte ?

« - Même si on y a été préparés, c’est déroutant de s’adresser à une tête. Vous avez obtenu des réponses ? » demanda Milla.

« - Celle de Reinhardt n’a pas été satisfaisante ; j’ai obtenu ce que nous voulions avec ma question. Et toi ? »

Milla prit une inspiration de dépit avant de répondre qu’elle avait également obtenu une réponse adéquate à sa question mais qu’elle n’était pas très encourageante. Wade ne chercha pas à en savoir plus, tout comme la jeune femme, il préférait qu’ils soient tous réunis afin de ne pas se répéter.

A la surprise de Reinhardt, qui de par son départ précipité pour la Chambre Blanche n’était pas au courant de la stratégie du groupe, ce fut au tour d’Isaac d’arriver une dizaine de minutes plus tard. De son côté Wade ne manifesta aucune réaction tandis que Milla l’accueillit avec un sourire. Elle lui fit part de leur décision, plus ou moins commune, de ne rien partager avant leur réunion complète. Même si de par sa nature, cela ne le dérangeait pas de répéter plusieurs fois la même chose, Isaac comprenait néanmoins parfaitement le besoin des organiques de ne pas avoir à se répéter.

Après le drone ce fut donc Blanche, comme convenu, qui sortit de la Chambre Blanche une quinzaine de minutes supplémentaires plus tard. La jeune femme semblait perturbée de premier abord à sa sortie de la chambre. Elle semblait pensive et stupéfaite à la fois par la réponse que Mimir venait de donner à sa question. Son père adoptif lui avait parlé de Moloch durant son enfance et du besoin que lui et les autres avaient de l’arrêter. Elle savait qu’il était un démon, l’un de ceux qui dirigeaient les Enfers. Elle savait également que les anges existaient et que si ange il y avait, un Dieu existait quelque part. Mais rien ne l’avait préparée à entendre les mots qui étaient sortis de la bouche de Mimir.
Néanmoins lorsqu’elle vit le visage souriant de Milla, tout cela sembla s’estomper immédiatement. La compagne de Frédéric semblait tout aussi capable de dissiper les nuages noirs avec son sourire radieux qu’en être à l’origine de par sa fougue guerrière. Blanche était heureuse que le soleil soit au beau fixe à cet instant.
Milla vint la prendre en aparté.

« - Comment tu vas ? » lui demanda-t-elle.

« - Ça va ! » répondit la jeune femme en tentant, du mieux qu’elle le put, d’afficher un sourire de façade.

« - On s’est mis d’accord pour attendre tout le monde avant de dévoiler ce que Mimir nous avait répondu ... mais si tu veux qu’on en parle ensemble d’abord, y a pas de problèmes » lui confia Milla à voix basse.

« - Je ... Je ne m’attendais pas à ce que j’ai entendu ... c’est invraisemblable tellement c’est énorme ... Ce Moloch est une véritable ordure ... Je ferais tout mon possible pour l’arrêter ! »

Le regard de Blanche s’était affermi pendant qu’elle parlait pour finalement s’enflammer, plus déterminée que jamais.

« - Eh bien ! J’ai hâte de savoir ce qui t’as mise dans cet état. Espérons que les autres ne trainent pas trop » répondit Milla.

Peu de temps après Blanche ce fut au tour de Io de sortir de la Chambre Blanche. Le réelogramme de ce que fut autrefois Io Pesnl se dirigea droit vers Isaac avant de se disperser en étincelles la moitié du chemin franchi. De par le lien privilégié qu’elle avait avec Isaac, elle sut dès sa sortie la décision qu’ils avaient prise de ne rien dire.

Après Io, nul ne savait qui était entré à sa suite. Blanche espérait secrètement que ce fut-ce son père mais dix minutes après la cyborg ce fut Frédéric qui sortit de la Chambre Blanche.
Milla vint naturellement à lui.

« - Tu as appris ce que tu désirais ? » lui demanda-t-elle.

Le lycanthrope ne semblait nullement chamboulé par ce qu’il venait d’apprendre. Il semblait habité d’une détermination nouvelle ... ce qui intrigua Milla. Comment pouvait-il prendre aussi bien la vérité sur ce qu’il était réellement ? Se doutait-il qu’il n’était pas un lycanthrope ordinaire ? Ou était-ce parce qu’il assimilait encore en ce moment cette révélation ?

Les minutes qui séparaient l’arrivée de Jeremiah dans le Hall semblaient interminables. Ils étaient sur le point de mettre en commun les informations qu’ils avaient glanées sur Moloch et qui donneraient leur feuille de route pour l’avenir proche.
Dix minutes avait été la durée moyenne de l’entretien avec Mimir que chacun avait eu. Mais au bout de dix minutes, point de vampire. Ce n’était pas inquiétant, après tout Blanche était restée près d’un quart d’heure alors que Milla était restée vingt minutes dans la Chambre Blanche.
Mais au bout de vingt minute d’attente, toujours pas de Jeremiah. A peu près tout le monde sachant quelle question il allait poser à Mimir, tous se demandèrent ce qui pouvait prendre autant de temps. Alors que Frédéric n’avait eu besoin que de dix minutes pour apprendre ce qu’il était, ce ne fut qu’au bout d’une trentaine de minutes que Jeremiah apparut, le visage complètement fermé et sombre.
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Note 1 : le titre signifie "Réponses, part 1 : Attente" en norvégien et en danois.
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A suivre dans le chapitre 514 : Svar, part 2 : Utgivelse !