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 Babel Horror Show 2022

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Jezekiel
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Jezekiel


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31102022
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Terre 362 - Havane

La Mala Suerte était un bar comme un autre à la Havane. C’était un lieu où les marins venaient dépenser les quelques pesos de leur solde durement gagnée à bord des nombreux rafiots qui pullulaient aux quais de l’île. Il fallait avouer qu’en cette époque la Mer des Caraïbes attirait des marins en tout genre : conquistadors espagnols, corsaires britanniques ou encore pirates.

L’île, qui s’appellerait dans un avenir incertain Cuba, était régulièrement soumise à une météo peu clémente. En cette nuit du 31 octobre, le temps était à la tempête. Le ciel déversait des trombes d’eau. Le vent décoiffait les palmiers et leur donner des airs de gigantesques pinceaux plantés dans le sable. La noirceur de la nuit était de temps à autre déchirée par des éclairs à la luminosité brutale.

Bravant le mauvais temps, un homme à l’air usé par les âges pénétra dans la Mala Suerte au moment même où un éclair lacérait la nuit, donnant à son entrée un aspect théâtral.
Les marins s’interrompirent tous un court instant. Ils observèrent le nouveau venu et en le voyant si fatigué, malmené par les éléments qui se déchaînaient à l’extérieur, retournèrent à leur occupation. Le nouveau venu observa le bar. A sa gauche se disputait une partie de poker entre quatre marins avinés. A sa droite, et plus en retrait, une fille de joie émaciée et vérolée tentait d’aguicher des marins assez saoûls pour ne pas se rendre compte de son état déplorable non loin d’un piano de cabaret laissé trop longtemps à l’abandon. Enfin, droit devant lui se tenait le comptoir du bar où s’était amassé un petit groupe suspendu aux lèvres d’un vieillard partiellement édenté et à la chevelure grise et éparse. Pour d’aucun, un minimum sobre, le vieillard serait passé pour un vieux fou ... et ce qu’il contait à son auditoire ne pouvait que confirmer cette hypothèse.

« - ... cherchée pendant une plombe. Marcellio finit par trouver la femme au bord du lac. En reluquant ses courbes au travers de sa tunique transparente, Marcellio bandait déjà comme un putain de taureau à l’idée de la consoler de ses cinq membres. Hardi le garçon, il la rejoignit avec une seule idée en tête : la culbuter et la trousser. C’est alors qu’à la dernière seconde, la chouineuse se retourna vivement. Son visage était d’une horreur à hérisser les poils d’un miro. Elle poussa une beuglante à casser les oreilles d’un sourd. Marcellio mit sa bite sur son épaule et courut à toutes jambes ! »

Après avoir posé son long manteau de cuir usé, le nouveau venu s’était accoudé au comptoir non sans avoir prêté une oreille aux divagations du vieil ivrogne.

« - Ah ! Encore une variante du mythe de la Llorona ! » s’esclaffa-t-il.

Tout l’auditoire, le vieillard et le barman, se retournèrent vers lui.

« - Messire connaîtrait-il une meilleure histoire, peut-être ? » lança l’un des compagnons de beuverie du vieillard.

Le nouveau venu s’immobilisa un instant, pensif, comme semblant chercher dans ses souvenirs une bonne histoire à raconter.

« - Et bien ... Meilleure, je ne sais pas, je vous en laisserai seuls juges à son issue ... mais au moins, elle est originale celle-ci ! C’était par une nuit agitée, comme celle-ci. Un marin fatigué et esseulé pénétra dans un bar à la recherche de quoi étancher sa soif et réchauffer ses tripes avec du bon alcool ... »

Trempé comme pas deux, l’homme poussa la porte de la taverne du Chien Ivre. Il traversa l’établissement en chancelant jusqu’au bar et demanda un whisky on the rock. Essuyant la choppe qu’il venait de rincer, le patron le dévisagea de haut en bas et de bas en haut. Le trouvant louche et sale, il se permit de lui demander s’il avait de quoi payer.
Quelque peu hébété par une telle demande, le marin épuisé se mit à fouiller ses poches durant d’interminables secondes. Bien embêté, il dût finalement constater et avouer qu’il n’avait plus le moindre penny sur lui. Néanmoins, une idée lui vint.

« - Mon bon patron, je n’ai malheureusement plus le sou sur moi. Mais, en échange d’un verre, je peux vous raconter une histoire telle que vous n’en avez jamais entendue ! »

Le patron l’observa un instant. Il avait en face de lui quelqu’un qui avait manifestement pas mal bourlingué. Il devait, à coup sûr, connaître quelques anecdotes croustillantes qui pourraient aider à faire passer une bonne nuit malgré le temps exécrable dehors. Et donc, sur le principe, il était d’accord ... Mais à condition que l’historie soit bonne. La marin commença de suite son histoire.


El Esperenza, un galion espagnol, fendait les eaux turquoises de la Mer des Caraïbes. A son bord, une cargaison sonnante et trébuchante d’or sous toutes les formes possibles. Son équipage retournait donc à son port d’origine, en Europe, avec la satisfaction de la mission remplie. Par une nuit comme une autre, la vigie, du haut de son mât, vit soudainement un spectacle peu ordinaire. Des flammes d’un bleu azur s’élevaient à l’horizon au sud de leur position.
Alertant l’officier de pont, lui-même se rendit dans la cabine du Capitaine pour le réveiller et l’informer de ce spectacle. S’habillant prestement, le Capitaine se rendit sur le pont, prit la longue-vue et observa le brasier au loin. La seule chose capable de brûler en pleine mer était un navire, pour sûr. Mais à la question de son officier de pont quant à la nature d’un incendie développant des flammes bleues, le Capitaine répondit que ce qui devait brûler était un dérivé de cuivre. Le chlorure de cuivre entrait dans la préparation de certains fongicide artisanaux ... voire peut-être même dans autres choses.

Rapidement, les membres d’équipage furent alertés par un tel spectacle et plus d’un à bord désirait voir ça de plus près.
Entendant leurs désirs, le Capitaine ordonna de mettre le cap vers ce brasier ... mais tout en restant vigilant.

Ce ne fut qu’au petit matin qu’ils arrivèrent à destination, alors que l’aurore était tout juste discernable à l’est. Les flammes s’étaient éteintes et ne s’échappaient plus que de la fumée et de la vapeur d’eau, signe que le braiser avait été particulièrement intense. Ne restaient plus que deux mâts qui surgissaient hors des flots pour quelques minutes encore. Un cri retentit alors : « - HOMME A LA MER !!! »

Un jeune mousse avait repéré une silhouette avachie sur une planche en bois, littéralement sa planche de salut. A n’en pas douter, il était le seul rescapé du naufrage qui avait eu lieu en ces eaux.
L’équipage entreprit de le remonter. Le naufragé était éreinté, aux portes de la mort après avoir lutté toute la nuit pour sa survie. Après lui avoir donné une bonne rasade de rhum et des vêtements secs, le Capitaine entreprit de l’interroger sur les circonstances de la catastrophe.

Le naufragé les remercia tout d’abord de l’avoir sauvé. Cela faisait plusieurs lunes qu’il n’avait pas eu affaire à des hommes saints d’esprits. Son équipage était devenu fou à cause de l’or qu’ils transportaient. Le naufragé s’interrompit un instant et observa le navire sur lequel il était arrivé. En reconnaissant le pavillon espagnol, il devina qu’eux aussi devaient en transporter. Mais le naufragé n’attendait pas de confirmation. A vrai dire, il ne laissa pas le temps à quiconque de formuler une quelconque réponse.
Il était tellement reconnaissant d’avoir été sauvé qu’il voulut les récompenser. Malheureusement, il n’avait sur lui qu’une unique pièce à leur offrir. Mais quelle pièce ! Une pièce en or, épaisse et, sur la face, un visage humain gravé. Deux minuscules rubis faisaient office d’yeux. Le naufragé s’excusa de n’avoir que cette malheureuse pièce. Le navire sur lequel il était avait coulé avec une multitude d’autres.

Bien que les eaux environnantes soient trop profondes pour partir repêcher le trésor de son navire, le naufragé était en mesure de leur indiquer où en trouver une quantité infiniment plus importante ; en effet, son équipage n’avait même pas pu emmener ne serait-ce qu’un dixième du trésor qu’ils avaient découvert.

Le jeune mousse qui l’avait repéré sur l’eau intervint alors : « - Nos cales sont déjà remplies, sir ! »

Ignorant le jeune matelot, le naufragé poursuivit : « - Le navire sur lequel je servais n’était qu’une petite frégate. Votre galion, en revanche, pourrait en emporter bien plus ».

Bien qu’ayant entendu son mousse intervenir, le Capitaine réfléchit un instant avant d’acquiescer.

« - Les galions de notre patrie peuvent emmener bien plus que ce que nous emmenons actuellement. Venez donc dans ma cabine, sir, que vous me montriez où se situe votre trésor ».

Les deux hommes disparurent dans la cabine pour ne revenir que quelques minutes plus tard et indiquer de mettre le cap au Sud-Ouest. Tandis que la majorité criait de joie et d’enthousiasme, certains parmi eux émirent quelques réserves. Le cap les forçait à revenir en arrière. Ce à quoi répondit le Capitaine qu’en échange, leur solde serait plus conséquente.

Cet argument fit taire les plus récalcitrants et tous se mirent à l’œuvre pour rejoindre le trésor indiqué par le naufragé. Avant le point du midi, ils arrivèrent en vue du point indiqué sur la carte par le naufragé. Sur cette dernière, rien n’y était indiqué. Il n’était censé n’y avoir que de l’eau. Mais compte fut de constater qu’une minuscule île se trouvait bien là où le naufragé l’avait indiquée.

Mettant leurs chaloupes à la mer, ils ne tardèrent pas à poser le pied sur de la terre ferme. Mais l’enthousiasme des premières secondes laissa la place à du dégoût. Ils contemplaient là un véritable massacre. Des corps par dizaines jonchaient les restes d’une forêt tropicale calcinée au centre de l’île. Étaient éparpillés les corps d’amérindiens plus ou moins en un seul morceau.

Le naufragé leur assura que les autochtones s’étaient déjà entretués à leur arrivée. C’était même le feu qui avait ravagé l’île qui leur avait fait découvrir l’îlot oublié de tous.
S’aventurant sur les terres calcinées, ils arrivèrent rapidement à l’embouchure d’une grotte. A l’intérieur, des montagnes d’or étincelant attendaient qu’on se serve. Les espagnols éructèrent de joie. La fortune de l’empire espagnol était faite. Leur fortune était faite. Avec cet or, plus besoin de patrie, où qu’ils poseraient le pied, ils seraient accueillis comme des rois !

La journée touchant à sa fin, ils firent ripailles dans un coin de l’île épargné par le massacre qui y avait eu lieu. Ce fut là l’occasion de faire la fête et de chanter à tue-tête des chansons paillardes.
Le lendemain, l’équipage du galion fit plusieurs allers-retours jusqu’à ce que les cales du navire soient pleine à craquer.
Prenant soin de faire des relevés précis avec son astrolabe, dans l’objectif de revenir plus tard et vider la grotte, le Capitaine fit larguer les amarres en direction de l’Espagne. Ils auraient tout le temps nécessaire lors de la traversée de l’océan pour décider quoi faire en arrivant.

Alors que la Havane était encore sur leur chemin, le naufragé vint rejoindre le Capitaine dans sa cabine.

« - Capitaine, j’espère avoir racheté ma vie avec cet or » fit-il, une fois seul à seul.

« - Plus que cela, mon cher. C’est nous qui vous sommes redevables aujourd’hui ».

« - Je ne vous cache pas que je suis fort aise d’entendre cela. J’aurai une petite requête à vous soumettre ».

« - Ne soyez pas timide ! Demandez et vous l’aurez ! »

« - Tout ce que je souhaiterai c’est d’être débarqué à la Havane ».

Soudain, le visage si radieux du Capitaine s’assombrit. Il devint même particulièrement grave.

« - Qui me garantit que vous n’appâterez pas quelques malheureux marins pour vous rendre sur mon île et la piller ? »

« - Votre île ? »

« - Oui, MON ÎLE ! Personne ne la cartographiée ! Personne ne la répertoriée ! Dès que je pose le pied sur la terre ferme, je revendiquerai de plein droit la propriété de cette île ! »

« - Vous ne pouvez pas faire ça, Capitaine ! »

« - Et qui m’en empêchera ? Vous ? »

« - Non ! Je n’ai pas voulu dire ça, Capitaine ! »

« - Sortez de ma cabine, misérable ! Vous n’y êtes plus le bienvenu ! »

Sortant de la cabine, le naufragé se retrouva nez à nez avec une grande majorité de l’équipage à l’air aussi renfrogné que leur capitaine. Le naufragé, comprenant ce qu’il se passait, leur conjura de se calmer.

« - Messieurs, je vous en prie ! Reprenez vos esprits ! »

« - Nos esprits sont très clairs ! » fit le Capitaine dans son dos.

Le naufragé se retourna et vit un éclair de lumière au niveau de la main droite du capitaine. A peine eut-il le temps de comprendre que c’était le reflet de la lame du sabre d’abordage de son interlocuteur qu’il la sentit douloureusement pénétrer ses viscères.

« - Nous ne sommes pas des gagne-petits sur l’Esperenza ! Nous reviendrons autant de fois qu’il le faut pour vider cette caverne et tout cet or nous suffira largement à nous tous sur ce galion ! »

« - Pauvres .. fous ... c’est comme ... ça que ça ... a commencé ... la dernière ... fois »

Ce fut les derniers sons intelligibles qui sortirent de la bouche du naufragé avant qu’il ne succombe. Le capitaine ordonna qu’on le jette par-dessus bord.

A bord de l’Esperenza, les jours qui suivirent se passèrent dans l’allégresse et la boisson. Mais dès lors que cette dernière vint à manquer, une étrange fièvre commença à gagner l’équipage. L’esprit fiévreux et torturé, ceux qui furent atteints de cette fièvre commencèrent à se méfier de leurs congénères. La méfiance se transforma rapidement en paranoïa et la paranoïa en hystérie. Chacun avait peur que l’autre ne le vole, voire qu’il ne le tue pour ensuite le voler. Le vol était bien là l’unique cause de conflits à bord. Peu importe si autrui était volé avant ou après sa mort, ce qui comptait c’était de ne pas être volé.
Ajoutant à l’hystérie collective, plusieurs des marins commencèrent à voir une ombre se déplacer furtivement la nuit venue. Plus d’un crut reconnaître la silhouette du naufragé que leur capitaine avait tué. Était-ce leur esprit qui les tourmentait d’avoir tué celui qui fut si reconnaissant envers eux qu’il leur avait révélé l’existence d’un trésor phénoménal. Celui qu’ils avaient remercié en retour en le donnant en pâture aux poissons après l’avoir tué.

Après de premières disputes, des conflits ne tardèrent pas à éclater à bord. Les hommes en vinrent même aux mains avant de choisir des armes de fortune pour trucider les menaces les plus sérieuses à leurs yeux. Le jour, un seul mauvais regard, un geste anodin, étaient prétextes à un combat sanglant et mortel. La nuit, un meurtre préventif écaillait la nuit.

Au bout de quelques jours, ne resta à bord plus que le capitaine, hautement névrosé, et à peine quelques marins. dont le nombre n’était plus assez important pour manœuvrer le lourd galion et ses gigantesques voiles aux lourds cordages. L’Esperenza était officiellement à la dérive.

La nuit suivant ce constat, le capitaine vit apparaître dans sa cabine le fantôme du naufragé. En cette nuit, il n’était plus une ombre indistincte. Le capitaine reconnaissait parfaitement les traits du naufragé.

« - Bonsoir Capitaine ! Je vous avez prévenu ... mais vous n’avez pas voulu m’écouter. Votre or est-il toujours aussi important aujourd’hui ? »

Le capitaine se redressa vivement.

« - Je t’ai tué ! »

Le fantôme se mit à sourire.

« - Cela fait bien longtemps maintenant que plus rien ne peux plus me tuer ! Votre sabre ? Il m’a traversé sans me blesser ! »

A ces mots, le naufragé écarta le pan de son manteau en loques. Il souleva sa chemise et laissa apparaître un abdomen vierge de cicatrices.

« - Je suis un fantôme depuis quelques années. Et depuis quelques années, je recherche inlassablement de nouvelles âmes pour faire grossir mon équipage. Ce soir, je suis venu recruter les derniers d’entre vous, ceux qui ont survécu. Ceux qui se sont montrés assez forts et retords pour survivre aux autres ».

Le fantôme tendit la main.

« - Venez avec moi ! » lui offrit-il alors que son corps passait de chair à ectoplasme.


Le récit du marin s’arrêta là.

« - Et que s’est-il passé ? » demanda l’un des ivrognes qui s’était attroupé autour de lui au fil de son récit, captivé par sa manière de donner vie à son histoire.

« - Que croyez-vous qu’il se soit passé ? » fit le marin.

« - Se sentant floué, le Capitaine refusa l’offre du fantôme pour s’obstiner à lui préférer l’or dans ses cales. Cette nuit fut la dernière qui vit la visite du fantôme ... et la dernière du galion. Le jeune mousse, celui qui avait sauvé le naufragé, qui avait émis un doute pour aller chercher l’or, avait finalement comprit que cet or était une véritable malédiction. Soigneusement, il avait réuni jour après jour des barils de poudre au point le plus bas du navire et avait fini par y mettre le feu. L’explosion qui en résulta fut gigantesque et le galion sombra rapidement par le fond. Bien que l’explosion fut visible à des miles nautiques à la ronde, cette nuit quelque chose de bien plus visible s’échappa du galion. Les âmes de la majorité de l’équipage, enfin libérées de cette malédiction, s’élevèrent dans les cieux dans de gigantesques volutes bleues, faisant croire à un braiser azur. Ce fut ce brasier que vit un colossal Man-o-war britannique mouillant non loin de là. Un navire gigantesque ... et aux cales vides ».

Captivé par son récit, le barman avoua que l’histoire du marin valait bien un whisky à l’œil.

Le marin, ayant la bouche sèche après avoir tant parlé, but le verre d’une traite ... lorsqu’il sentit quelque chose dans sa poche.

« - Ah ! Finalement j’avais bien de quoi payer ! »

Il sortit une étincelante pièce en or. Il la fit rouler en cercles concentriques sur le comptoir avant de se lever de son tabouret et de faire mine de sortir. Mais en vérité, il s’arrêta face à la porte et fit volte-face. Il était curieux de voir la réaction des poivrots lorsqu’ils comprendraient ce qu’était cette pièce.
Lorsque cette dernière s’immobilisa, tous purent voir sur sa face un visage émacié de gravé avec de minuscules émeraudes en guise d’yeux. Sortant des vapeurs de l’alcool, les yeux des poivrots furent parcourus d’une avidité mal masquée. Le barman posa sa lourde pogne dessus avec plus d’avidité encore.

« - Cette pièce est à moi ! C’est en paiement pour son whisky ! »

« - Sacrément cher ton whisky, Barney ! »

« - Ouais, et puis il t’a déjà payé avec son récit » fit un autre alcoolique.

« - File-nous cette fichue pièce, voleur ! » éructa un troisième.

Tous sortirent alors des surins et autres poignards et trucidèrent le barman avec sauvagerie.
Une fois fait, une autre problématique se fit connaître : il n’y avait qu’une seule pièce, comment se la partager ?

« - Le partage sera plus simple lorsqu’il n’y aura plus qu’une seule personne pour la revendiquer ! »

Tous dans le bar se mirent à s’écharper au plus grand plaisir du conteur dont les traits étaient les mêmes que ceux du naufragé de son récit.


A la Mala Suerte, le conteur initial leur demanda comment ils avaient trouvé cette histoire. Était-elle plus frissonnante que celle de la pseudo sirène de Carl ?

« - Comment tu connais mon nom, blanc bec ? »

« - Je connais les noms de tous ceux dans l’œil de qui brille l’appât de l’or, Carl ».

« - Mais il n’y a pas d’or ici ! »

« - Il y en a toujours eu dans ce bar depuis mon entrée ».

L’homme sortit alors de sa poche une pièce d’or avec un crâne gravé sur sa face, un crâne dans les orbites duquel étaient sertis des saphirs. Il la posa sur le comptoir et se leva. Il traîna son tabouret derrière lui, laissant sur le sol deux trainées humides. Là où il était assis il y a encore quelques secondes gisait une flaque d’alcool ; l’alcool qu’il avait prétendument bu en compagnie de son auditoire.
Il récupéra son long manteau de cuir complètement sec au milieu des manteaux des autres clients du bar encore dégoulinants de la pluie qui tombait à l’extérieur et pourtant arrivés avant lui.

Tandis qu’au comptoir, le ton montait entre les hommes, le conteur sortit une allumette qu’il gratta sur sa joue. L’allumette s’enflamma d’un feu spectral, révélant en même temps la nature fantomatique du conteur. Laissant tomber son allumette apparemment de façon négligée, l’allumette tomba sur l’une des traînées d’alcool qui s’enflamma. Le feu remonta la trainée jusqu’à la flaque qui s’embrasa alors que les clients du bar se battaient déjà. Le fantôme observa la scène avec un air amusé et se mit à chantonner une vieille chanson.

« - Si par hasard par un coup de fortune
Je capturais l'or d'un beau galion
Riche à pouvoir décrocher la lune
Je m'en irai vers d'autres horizons
Mais attention à Milciades Entierro
Qui par soir de tempête complète sa collection ».
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Babel Horror Show 2022 :: Commentaires

Shion
Re: Babel Horror Show 2022
Message Mar 1 Nov - 13:37 par Shion
Haha, sacré Milciades Entierro ^^

J'aime bien l'imbrication des histoires, ça me rappelle un peu le film Existenz.

Merci pour ce chapitre spécial Halloween Wink
 

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