Terre 6354

Pas loin d’une heure après avoir laissé l’infirmière démente du Mastercorps crucifiée à son tour dans le hall d’entrée, Frédéric et Milla atteignirent l’étage du portail spatial. Ils ratissèrent l’étage en quête d’un quelconque survivant mais firent chou blanc. Personne à l’horizon hormis trois dépouilles dans autant de pièces différentes. Personne ne semblait être venu jusqu’ici depuis que le dernier groupe de civils avait été évacué. Frédéric ne savait pas trop quoi en penser. Était-ce un soulagement qu’il n’y ait plus personne, ou une frustration de ne trouver personne ?
C’est alors qu’ils virent par les fenêtres brisées une silhouette gigantesque se déplacer à l’extérieur du bâtiment. Il s’agissait de l’armure Atlas du Mastercorps, la même qui avait éventré le bâtiment pour découvrir leur position au sein de la salle du D Cube. C’était un rappel imposant de la situation dans laquelle se trouvait la planète. Le D Cube était la seconde option de Frédéric. Lui et Milla reprirent donc les escaliers pour atteindre l’étage en question.
La montée fut plus difficile que précédemment. L’éventrement du sommet du bâtiment avait causé de sérieux dommages structurels et cela avait impacté la cage d’escaliers. Ils durent ainsi monter les étages en bondissant de gravats en gravats.

L’étage du D Cube n’était plus que ruines. Une ouverture béante dans son plafond donnait directement sur l’extérieur et son ciel d’orage surnaturel. Frédéric et Milla tentèrent autant que possible de rester dans les zones les plus sombres de l’étage pour ne pas se faire repérer.

Voyant l’état dans lequel était l’étage, Frédéric se demanda ce qu’il espérait y trouver. Ils firent un rapide tour des lieux mais n’y trouvèrent pas grand chose. Dans la pièce du D Cube, Frédéric constata que l’appareil était hors service. A côté de l’appareil gisait le cadavre criblé de balles de Lambert. Derrière la console de contrôle, il retrouva la dépouille de Richards ... ou plutôt les os de son squelette. Frédéric se remémora un court instant le moment où le soldat inconnu de l’Unicorps les avait précipités à travers le D Cube et ce qui avait précédé. Pensif, Frédéric leva les yeux vers la brèche du plafond.

« - Il n’y a plus personne à sauver ici » fit-il.

Milla le regarda.

« - Où va-t-on maintenant ? »

Embrassant la pièce du regard, Frédéric prit son temps avant de répondre : « - Je ne sais pas ».

Il espérait trouver quelqu’un ici qui lui donne une piste pour retrouver d’éventuels survivants. Comme si ses pensées avaient été entendues, une voix se fit alors entendre.

« - FFFFrédéric ? » fit une voix aux intonations non humaines.

Frédéric et Milla se retournèrent en direction d’où semblait émaner la voix. Ils virent alors une silhouette apparaître comme sur une photo polaroid.

« - Giaz ! » s’esclaffa Frédéric.

« - Moins fffort ! On pourrait nous entendre » fit le reptiloïde.

Milla fut quelque peu surprise par l’apparence de l’interlocuteur de Frédéric. Il s’agissait du Giaz de l’Unicorps, le reptiloïde svelte et discret qui servait d’éclaireur à la Force de Frappe Oblivion.

« - Tu ne peux pas savoir comme je suis content de te voir » fit Frédéric.

« - Je partage votre enthousiassssme » fit le reptile.

« - Qui est-ccccce ? » demanda-t-il en pointant du regard Milla.

Cette dernière s’avança et lui tendit la main : « - Je me nomme Milla ! ».

« - Elle vient de la dimension d’où je suis revenu et est avec moi ! » dit Frédéric.

Le visage de Giaz était particulièrement inexpressif, comme à l’accoutumée.

« - Sssson odeur ... J’en ai déjà ssssenti une sssssimilaire » fit le reptiloïde.

« - C’est une lycanthrope comme moi ».

« - Non, ccccc’est autre chozzzze ».

« - Peu importe pour le moment. Sais-tu s’il y a d’autres survivants ? » le pressa Frédéric.

Soudain les pas lourds de l’amure Atlas se firent plus proche. Une lumière crue perça soudain les ténèbres du bâtiment éventré. Tous les trois furent des plus réactifs et se réfugièrent dans les zones les plus sombres et reculées du bâtiment. La lumière balaya de longues secondes les ruines du bâtiment. Milla et Frédéric retinrent leur respiration machinalement. Finalement la lumière disparut et l’armure Atlas s’éloigna du bâtiment. Ils attendirent qu’elle soit suffisamment loin avant de se rejoindre.

« - Pressssque tous cccceux qui ont tenté de venir icccci ont été massssssacrés » fit alors Giaz.

« - Comment ça presque ? » fit Milla, réactive.

« - On est parvenu à en interccccepté quelquezzz-uns, princccccipalement des ccccivils » fit le reptile.

« - Sandora ? » demanda Frédéric.

Le reptile réfléchit un instant mais fit signe de la tête qu’il ne l’avait pas vue. Milla fronça quelque peu les sourcils au nom de l’ex de Frédéric.

« - Avant que nous ne partions, elle avait décidé de prendre un peu de recul. Sais-tu où elle a pu aller ? »

Giaz plissa sensiblement des yeux. Frédéric se souvint alors que le reptiloïde n’était pas très amical, même avec les membres de son escouade, alors il ne devait pas se soucier de cela.

« - Non, mais Wessstwood pourrait le sssssavoir » finit-il par dire.

« - Westwood est encore ici ? » fit stupéfait Frédéric.

C’est alors qu’il vit Milla se tendre du coin de l’œil. Il lui expliqua rapidement que ce n’était pas le même individu qui les avait attaqués dans les catacombes. Pendant ce temps, Giaz activa un petit communicateur codé. Il persiffla quelque chose d’incompréhensible avant de l’éteindre. Quelques secondes plus tard, un portail d’énergie orange s’ouvrit dans la pièce du D Cube. En sortit le Giaz du Mastercoprs tenant en chaîne un Wormcell plus docile que la dernière fois que Frédéric l’avait vu. Tous les cinq empruntèrent le portail et se retrouvèrent dans un autre lieu en l’espace d’un clignement d’œil.

Ils se trouvaient dorénavant dans un hangar semblable à celui qui servait de Q.G. à la Force de Frappe Oblivion. Les installations étaient sommaires et un nombre conséquent de lits de camps occupaient près de la moitié de la surface au sol. Tous étaient occupés par des civils. Parmi ces derniers, certains individus, très peu, sortaient du lot de par leur maintien. Des militaires à n’en pas douter. Étant donné leur nombre plutôt restreint c’était un miracle qu’ils aient pu protéger jusque-là les civils sous leur garde.
Frédéric commença à dévisager les personnes ici présentes, dans l’espoir de reconnaître un visage. Alors qu’il reconnaissait le dos nu d’une femme portant des cicatrices caractéristiques, il fut soudainement interpellé.

« - T’as encore une plus sale gueule que la dernière fois que je t’ai mis une branlée ! »

Frédéric reconnut de suite la voix, ainsi que Milla qui se tendit quelque peu.

« - Toi ? Me mettre une branlée ? T’as pris un sérieux coup sur la tête dernièrement, non, Westwood ? »

« - Tu parles pour toi, j’imagine ? T’as vu ta gueule ? »

« - C’est ce qui arrive lorsqu’on ne se cache pas dans une armure hi-tech ! »

Westwood, à visage découvert cette fois, portait toujours l’armure qu’il avait il y a une dizaine de jours. Hormis une certaine saleté due à divers combats, elle ne semblait pas avoir subi d’injures. Presque nez à nez avec Frédéric, il s’interrompit un instant. Les deux hommes se défièrent du regard durant de longues secondes avant que Westwood ne reprenne la parole.

« - Touché ! C’est vrai qu’elle m’a bien servi depuis que je l’ai » fit-il finalement en souriant et tendant une main vers Frédéric.

Ce dernier saisit la poignée de main.

« - Content de vous compter parmi nous ! » ajouta-t-il.

« - Et vous êtes ? »

« - Milla ! » répondit la concernée, assez froidement.

« - On a rencontré l’un de tes doubles sur sa Terre ... Sacré salopard ... Celui qui était à la solde des deinones ».

« - Mouais ! J’imagine que je n’aurais pas le plaisir de me le faire ».

« - Pas avec ce qu’il en reste, non ».

« - Que je vous informe un peu de la situation : le Mastercorps nous met la misère. La plupart des civils qui ont survécu à la première vague d’invasion ont été exfiltrés via le portail spatial vers notre nouvelle maison. Le portail spatial et le D Cube sont H.S. et notre seul moyen de transport c’est ce p’tit gars » fit-il en désignant Wormcell, le double du Mastercorps de Cromwell.

« - Et heureusement qu’on l’a car on a encore du monde à évacuer comme vous le voyez ! »

« - Qu’est-ce que vous attendez au juste ? » demanda Milla.

Westwood sourit devant l’impulsivité de la jeune femme.

« - La première fois qu’on a utilisé les capacités de Wormcell trop longtemps pour ouvrir un portail conséquent vers Proxima B, le Mastercorps nous a repérés. Maintenant on se contente de petits sauts spatiaux sur la planète et Stephen se charge de brouiller les pistes ».

« - Stephen est là ? »

« - Oui, là haut ! Il camoufle ce Q.G. aux yeux du Mastercorps. Même leur Seven n’est pas parvenu à le voir ».

Stephen, l’expert en occultisme de la Force de Frappe Jéricho qui les avait accompagnés à quelques reprises, semblait avoir drôlement progressé depuis la dernière fois que Frédéric ne l’avait vu.

« - Il y a qui d’autres, hormis Stephen, Kristell et les deux Giaz ? » demanda Frédéric.

« - Pas grand monde de plus malheureusement. Depuis votre départ, on ne sait pas ce qu’il est advenu d’Hector. Il combattait son double, Bloodcore, à l’extérieur du siège puis leur combat a fini sans qu’on sache quelle en a été l’issue ».

« - Et Sandora ? »

Westwood baissa les yeux un instants.

« - Je me doutais que tu allais y venir. Tout comme Hector, on ignore tout de son statut actuel ».

« - Ouais, ça aurait été dommage d’aller s’en inquiéter ... après tout elle ne fait pas partie de votre équipe ! »

« - Je te rappelle qu’on ne sait pas où est Hector et que Lambert est mort pour vous permettre de poursuivre vos recherches de la Grande Bibliothèque ! »

La tension était palpable entre les deux hommes. C’était tout juste si on ne pouvait pas voir des éclairs électrostatiques entre eux deux.

« - Si vous êtes encore là, j’imagine que c’est parce que vous avez encore du monde à retrouver » fit Milla pour mettre court à cette tension.

« - Ouais ! T’as tout compris, ma belle ! »

« - Ne lui parle pas comme ça ! » réagit alors Frédéric.

« - Ou sinon quoi ? Tu vas montrer les crocs ? »

« - Peut-être bien, ouais ! » répondit Frédéric en se métamorphosant.

« - Tu crois que ça me fait encore peur ton petit numéro ? » répliqua Westwood dont l’armure semblait s’activer selon sa simple volonté.

« - J’en ai un autre en réserve si ça t’intéresse ! »

Alors que l’œil gauche de Frédéric commençait à s’obscurcir, Milla se métamorphosa à son tour et écarta les deux hommes l’un de l’autre.

« - CA SUFFIT !!! » cria-t-elle.

« - Toi, le militaire de pacotille, tu le lâches ou c’est à moi que t’auras affaire. Armure ou non, crois-moi tu vas le sentir passer ! »

« - Et toi, Frédéric ... calme-toi ... ton œil ... » adressa-t-elle à Frédéric sur un ton plus doux.

Immédiatement, Frédéric réagit en se masquant l’œil afin que personne ne le voit.

« - Qu’est-ce qui vous empêche de partir alors ? » demanda-t-elle à Westwood.

« - Au niveau civils, on ne pourra pas en sauver davantage. Les deux vagues de rôdeurs que le Mastercorps a déployé ont été trop efficaces. Les annexes de Kyoto, Bombay, Brisbane, Omsk, Lyon, Kinshasa, Buenos Aires, Bogota et Denver ont également réussis à regrouper des civils. Bien plus que nous. Le gros de l’attaque du Mastercorps se concentre ici donc partout dans le monde, les annexes ont pu sauver plus de monde. Elles seront évacuées par ordre décroissant de civils à évacuer. On sera donc les derniers. Ils attendent simplement que nous ayons accès à nos cibles prioritaires pour vérifier leurs statuts ».

« - Sandora n’en fait bien sûr pas partie ! »

« - Frédéric ne recommence pas ! » fit Milla.

« - Sandora Setsuna est portée M.I.A. et elle n’est pas assez importante pour que l’on risque de perdre des civils en attendant qu’on la retrouve ».

« - Quelles sont vos cibles alors pour qu’elles vous permettent de risquer la vie des civils ? »

« - Ce sont les divinités qui nous ont aidés à fonder le programme Zénith ! » répondit Westwood.
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A suivre dans le chapitre 443 - Aide-toi et le ciel t'aidera !