Univers ??? - Hall d’entrée de la Grande Bibliothèque

Comme prenant une posture, la déesse Seshat écarta les bras, se mit à sourire avant de prendre la parole.

« - Avant toute chose, comme la fait Damballa, je me dois de vous souhaiter la bienvenue en ce lieu donc ... Bienvenue au sein de la Grande Bibliothèque où le savoir de tout le Multivers est à portée de mains ! »

Tous levèrent le nez pour contempler le hall.

« - Vous êtes actuellement dans le hall principal de l’édifice et ... une minute, j’aime le spectacle qui va suivre ».

« - Quoi donc ? » demanda Frédéric.

Alors que Seshat regardait droit vers le puits de lumière, Frédéric eut sa réponse. Un obturateur vint se refermer à plusieurs centaines de mètres au-dessus de leur tête et plongea le hall dans l’obscurité ... le temps d’un instant. Sitôt le puits fermé, les innombrables fleurs courant le long des murs se mirent à émettre une radiation lumineuse douce et apaisante mais pas soporifique. La lumière des fleurs semblait dégager l’esprit d’un brouillard dont nul n’avait conscience. Tout leur semblait soudainement clair.

« - De par ses trois soleils, l’astre sur lequel nous avons édifié ce site ne connait jamais la nuit. Au sein de la Grande Bibliothèque nous sommes contraints de simuler la nuit afin que nos hôtes puissent conserver un rythme circadien normal ... même si nombre d’entre font le choix d’écourter leurs nuits afin de profiter au maximum de nos ressources ».

« - Attendez ! Il y a d’autres ... mortels que nous ici ? » fit Jeremiah.

« - Bien évidemment ! Quiconque s’avère être suffisamment sage et volontaire reçoit une invitation. Nous les appelons les "éveillés" ».

« - Genre ? D’autres hommes et femmes sont ici ? Super ! » s’esclaffa Blanche.

Mais avant que Seshat ne puisse répondre, une créature tout sauf humaine sortit de l’un des couloirs. Elle avait deux bras mais pas de jambes et se déplaçait par reptation sur une queue relativement courte. Sa tête n’avait rien de commun aux humains. Elle était composée de quatre tentacules : deux petits au-dessus de la cavité buccale et deux autres plus effilés au bout desquels étaient situés les yeux. Son derme était irrégulier et beige clair. Mais le plus frappant était l’énorme coquille enroulée sur elle-même qu’il portait à même le dos.

Seshat se tourna vers elle lorsqu’elle se mit à émettre des sons pareils à des babillages. Seshat lui répondit de la même façon avant de voir la créature repartir d’où elle venait. Seshat se mit à sourire devant les mines déconfites du groupe.

« - Comme vous venez de le constater, nous n’avons pas que des humains dans nos rayons. A vrai dire, ils représentent une minorité ».

« - Sans blague ! Un humain particulièrement sage, ça ne doit pas courir les rues » fit Milla sans détacher son regard de la créature qui s’éloignait.

« - L’individu que vous venez de voir est un sluram. Sur sa planète, les simiens n’ont jamais évolué au point d’occuper la place de dominants. Ce sont des gastéropodes ... et même s’ils sont intelligents ... »

C’est alors qu’apparut un drone ménager passant la serpillère derrière le sluram.

« - Ils ont la fâcheuse habitude à laisser une trace de sécrétions derrière eux. Nous avons allouer à chacun d’entre eux un drone personnel afin de tenir cette bibliothèque dans un état de propreté impeccable ».

« - Attendez ! ... Il était à poil ? » fit Reinhardt.

« - Oui, ils sont dénués de tout complexe physique » répondit Seshat avec un sourire.

« - Comment ont-ils fait pour échapper à l’extinction ? » fit Wade.

« - J’imagine que leur parfaite maîtrise de la télékinésie doit aider » répondit la déesse ne cessant de sourire.

« - Comme je vous l’ai dit l’espèce humaine est une minorité en ces murs donc vous rencontrerez plus fréquemment des membres d’espèces inconnues que vos congénères ».

Tous échangèrent un regard de stupéfaction tandis que Seshat se demandait par où commencer la présentation des lieux.

« - Comme vous l’a dit Damballa, mon mari Thot est à l’origine première de cet édifice. Il abrite le savoir de toutes les civilisations du multivers entier et même au-delà. En effet nous consignons ici des connaissances que certaines populations indigènes ignorent ou ont oublié au fil des générations ».

« - Excusez-moi mais ... comment est-ce possible ? Je veux dire que je peux concevoir que des dieux puissent tout consigner ... mais comment stockez-vous ce savoir en perpétuelle augmentation ? » demanda Frédéric.

Le sourire de Seshat s’élargit un bref instant avant de répondre.

« - Tout d’abord, en règle générale, les connaissances d’une espèce sont similaires d’une dimension à une autre. Par exemple, chaque civilisation humaine présente approximativement la même façon de penser. Ce qui va principalement changer sera la vitesse à laquelle l’humanité va arriver aux mêmes conclusions. Pour prendre un exemple plus parlant, la catapulte est actuellement le summum du modernisme pour certaines civilisations humaines, tandis que pour la vôtre, vous avez dépassé ce stade depuis fort longtemps à votre échelle et que dans une autre dimension, l’humanité sera déjà arrivée aux véhicules volants personnels autonomes. Toutes ces connaissances étant doublons, nous ne les répertorions qu’une seule fois et précisons à chaque fois dans quelle dimension elle est d’actualité ou passée. Ensuite, nous observons malheureusement trop souvent un effondrement sociétal qui créée un appauvrissement voire une régression des connaissances des civilisations. Autrement pour une civilisation en expansion continuelle, ou pour des civilisations parallèles qui pensent exceptionnellement différemment, il nous faut effectivement de plus en plus de place. C’est pour cela que notre édifice est en perpétuelle expansion ».

« - Et il fait quelle taille actuellement ? » demanda Blanche.

« - Hmmm ! Bonne question ! La bibliothèque s’élève sur plusieurs centaines d’étages au-dessus de nos têtes et presque un millier sous nos pieds ».

A ces mots tous se rendirent compte que le sol sur lequel ils marchaient était transparent pour laisser passer la lumière.

« - En largeur, je ne peux vous répondre car chaque étage de chaque aile possède une largeur qui lui est propre ... surtout les étages souterrains ».

Cette réponse donna le vertige à Frédéric, Jeremiah et Reinhardt. Comment allaient-ils trouver la réponse à leurs questions dans une bibliothèque aussi vaste ?

« - Ne vous inquiétez pas, on s’y retrouve parfaitement. Les ouvrages présents dans la colonne du grand hall sont des index qui vous permettront de trouver ce que vous cherchez. L’aile, l’étage, le rayonnage et l’étagère ».

« - Ce sont des index ? D’accord ! » fit Milla manifestement toute aussi dépassée que son amant et ses amis.

« - Question ! Le suce-la-moi n’est pas venu vous demander un renseignement ? » fit Reinhardt.

« - Le sluram ! Et non, il n’est pas venu pour cela ... Il ... hum ... est venu pour se plaindre des effluves que vous dispersez dans la bibliothèque ».

Tous furent stupéfaits.

« - Et c’est le mollusque qui bave partout qui vient nous faire un reproche ? »

« - Ce n’est pas de la bave mais un mucus lubrifiant » répliqua Seshat sans cesser de sourire.

« - Un lubrifiant ? ... Ok ! Ça change tout » fit Reinhardt en faisant une grimace.

« - Il est temps de refermer cette parenthèse sluram, il me semble. Vous deviez nous présenter la Grande Bibliothèque, n’est-ce pas ? » fit Jeremiah, devinant comment aller dévier la conversation si elle continuait.

« - Tout à fait ! Pour repartir du sluram et en finir avec lui. L’aile de laquelle il est sorti et reparti est l’aile des Sciences Législatives avec la Législation juridique, la Législation bancaire, la Législation comptable, les Impôts et Taxes ainsi que de nombreuses ressources sur l’Économie en général. Entre vous et moi, c’est sûrement l’aile que j’aime le moins ... Ceci dit, la jurisprudence sluram est d’une ... hum ... complexité, qu’elle peut en être amusante d’un point de vue extérieur à leurs civilisations ».

« - Attendez, attendez ... Vous avez répertorié toutes les taxes et impôts de toutes les civilisations du Multivers ? Quand je pense à celles que ma planète, non, que mon pays avait ... c’était une hérésie » fit Frédéric.

« - Il est vrai que les humains sont assez forts dans ce domaine, mais les rois, ce sont les kéoliminac ! Ils taxent même l’air qu’ils respirent suivant sa pureté. L’aile adjacente est celles des Sciences Appliquées ! Chimie, Physique, Mathématiques, Mécanique quantique, Mécanique noire, Sciences irrationnelles, pour ne citer qu’elles. Ensuite nous avons l’aile des Sciences Occultes avec l’Ésotérisme, l’Occultisme, la Démonologie, l’Angélologie ... autant vous prévenir tout de suite, qui ose y pénétrer n’en ressort pas forcément sain d’esprit ... sans oublier les ouvrages autonomes, ou même l’importance de la section en elle-même ».

« - C’est celle-là qui nous intéresse ! » fit Reinhardt.

« - Je n’en doute pas ! Mais je n’ai pas fini » répliqua Seshat sur un ton glacial.

« - Ensuite l’aile des Manuels d’Éducation et d’Enseignement, les Dictionnaires et les Encyclopédies, même les périodiques de chaque culture s’y retrouvent. C’est l’une des ailes les moins visitées. Je crois même que les seuls visiteurs qu’a reçu cette section dans le dernier millénaire furent nos drones d’entretien ».

« - Pas étonnant ! J’imagine que ce qu’ils contiennent se retrouve dans les rayonnages des autres sections. Inutile de se taper la reproduction de petits lézards cornus pour enfin obtenir des informations sur un démon qui porte le même nom » fit Wade.

« - C’est exactement cela ! » répondit Seshat avant de poursuivre.

« - Nous arrivons à l’aile des Sciences Sociales ! Très grosse section que voici puisque chaque civilisation voit évoluer sa sociabilité en fonction de son âge. Bref ! Nous avons donc ici la Sociologie, les traités de Psychologie, les essais de Philosophie, les Politiques, les différentes Religions, fondées ou non, les Registres des Panthéons vénérés, les Cultes, les Sectes, la Linguistique, l’Histoire, les Biographies, les Généalogies et les Nécrologies ... ça peut être amusant de voir comment est mort la même personne dans différentes dimensions ... hum ... ou pas. Sinon, au niveau généalogie, l’un de mes ouvrages préférés de cette section a été rédigé par l’un de vos pairs, un humain, un certains ... John ? ... Jack ? ... Jacquet ! Il a entrepris de remonter la généalogie des divinités des panthéons ... ça a fini par le rendre fou ».

Se déplaçant à nouveau, Seshat sauta une aile sombre et mal éclairée pour se poster devant celle d’après. Tous le remarquèrent mais ne pipèrent mot pour le moment.

« - Nous voici devant l’aile qui se préoccupe des planètes en elle-même. Géographie, Cartographie, Géologie, Stratigraphie, Minéralogie, Astronomie, Climatologie, Démographie. Figurez-vous que la planète Arbane du système Krön connait un cycle climatique de 5 années, 4 mois, 12 jours et quelques minutes. Une fois le cycle achevé, le climat de Arbane repart de zéro. Une sorte de cataclysme programmé qui remet les compteurs à zéro ».

« - Passionnant » fit Reinhardt.

« - Nous voici devant les Sciences Culinaires, Gastronomie, Œnologie, Prédation. Il est passionnant de lire les livres de recettes des Cmidan. Tout leur est passé sous la dent et ils savent tout cuisiner avec une sauce unique pour chaque met ».

« - Ici nous avons la Culture ! Œuvres de fiction, Littérature, Œuvres pour la jeunesse, Poésie, Cinéma et Holos, Architecture, Musicologie, Patrimoine culturel immatériel, enfin pas pour nous. Un Musée et une Galerie d’Art occupent l’intégralité des étages souterrains ».

« - Culture et Sociologie ne sont pas côte à côte ? » demanda Frédéric.

« - Justement non. Avec des ailes séparées, il y a moins de risques de se tromper d’allée. Nous arrivons à l’aile des Sciences du Vivant et du Mort ! Botanique, Agriculture, Biologie animale et vétérinaire, Médecine ... parfois c’est dur de savoir quand utiliser un traité vétérinaire plutôt qu’un traité de médecine. Bactériologie, Génétique ... même s’ils représentent un fléau pour les autres espèces, les krills ont rédigé des traités passionnant dessus. Sportologie, Sciences de décomposition des corps, Réanimations naturelles, occultes et artificielles. Voici comment se compose notre merveilleux édifice ! »

« - Il me semble que vous avez omis une aile » fit Milla en la pointant du doigt.

« - Aucun intérêt ! Ce sont des archives ! » répondit sèchement Seshat.

« - J’y crois pas ! Vous nous avez bassinés avec vos dicos et vous ne nous parlez pas des archives ? Le métier se perd ! » lui envoya Reinhardt, pour la chambrer.

« - Je vous le répète, il n’y a rien d’intéressant dans cette aile ! »

La façon avec laquelle répondit une nouvelle fois Seshat posa un froid.

« - Je pense que notre chère Seshat est lassée de son rôle de guide ... Je vais la remplacer pour la suite » fit une jeune femme aussi élégante que Seshat, si ce n’est plus, en posant tendrement une main sur l’épaule de la déesse.

Seshat reprit son sourire, s’excusa et s’éclipsa. La nouvelle venue avait une chevelure châtain aux reflets roux. Elle portait une robe émeraude scintillante aux nombreux plis et volutes.

« - Je me nomme Mnémosyne, j’officie en tant que déesse de la mémoire dans le panthéon olympien. J’imagine que vous avez des questions ».
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Note 1 : le titre signifie « Grande Bibliothèque » en gaélique d’Écosse.
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A suivre dans le chapitre 511 - Groot Biblioteek !