Univers ??? - Planète ???

L’énergie de téléportation dissipée, Sandora eut du mal à recouvrer l’usage de ses sens. Un puissant vent sifflait à ses oreilles, lui giflait le visage et faisait voler ses cheveux derrière elle. A plusieurs reprises elle faillit perdre son équilibre avant de parfaitement voir à nouveau. C’est à ce moment que le vent sembla la contourner. Non, ce n’était pas ça. Quelque chose, ou plutôt quelqu’un lui faisait obstacle.

Cessant de plisser les yeux, la sirène vit une forme humanoïde, aux courbes féminines généreuses. La femme était grandement dévêtue. Elle ne portait qu’une sorte de caleçon, ou maillot de bain ancien pour femme, des bracelets aux poignets et chevilles et un long ruban de soie qui ondulait et s’enroulait autour de ses bras en de grandes volutes. Sa poitrine était nue. Puis Sandora leva les yeux vers son visage et comprit que ce n’était pas une femme ordinaire ... Mais était-ce bien une femme au moins ? Son visage était monstrueux et féroce. De nombreux plis sur son front rendaient son visage grandement sévère, si ce n’est agressif. Ses yeux étaient aussi petits que ses canines inférieures étaient proéminentes. Sur sa tête était posée une couronne aux arêtes acérées. Sandora ne sut pas immédiatement si la créature avait des cornes ou si cela faisait partie de la couronne. Sa chevelure était courte, drue et dressée.

Alors que Sandora redoutait une quelconque confrontation avec cette créature, qui restait imperturbable et immobile malgré le vent qui lui battait le dos, elle se rendit soudainement compte qu’elle était seule face à elle. Personne pour lui donner un quelconque coup de main ... personne pour la sauver en cas de besoin. C’est alors que la créature, jusque-là debout face à elle, se mit en position du lotus et lévita comme si de rien n’était. Elle pivota légèrement sur sa droite et tendit le bras droit lentement et élégamment vers le nord de sa position. C’est alors que le vent faiblit.
Comprenant que la créature voulait lui montrer quelque chose, Sandora avança et comprit où elle se trouvait. Elle se trouvait au sommet d’une gigantesque montagne. Puis elle vit en contrebas ce que la créature avait voulu lui montrer : un gigantesque bâtiment à l’architecture hétéroclite. La sirène comprit alors qu’il devait s’agir de la Grande Bibliothèque.

« - Merci ! Mais je ne connais même pas votre nom. Je m’appelle Sandora Setsuna ! » fit-elle en lui tendant une main.

« - Je suis une Dâkinî, cela seul suffit, mon nom importe peu. Fais maintenant face à ton épreuve ! »

« - Mon épreuve ? Comment çaaaaaaaa ! »

Le vent se releva brutalement emportant Sandora en arrière.
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Ailleurs - Au même moment

Après avoir été complètement aveuglé par la volute d’énergie, Reinhardt fut plongé dans l’obscurité la plus totale. L’obscurité était si épaisse qu’il en vint même à se demander s’il avait bien retrouvé la vue au bout de quelques minutes. Il se toucha le visage dans l’espoir de voir au moins ses mains ... mais rien. Il n’y avait strictement aucun point de repère. Même en levant le nez vers le ciel, il ne voyait aucune étoile ... ce qui ne l’étonna pas plus que cela étant donné que la planète sur laquelle il se trouvait précédemment semblait à l’écart de tout.

« - Ohé ? Il y a quelqu’un ? » fit-il, se demandant s’il avait été envoyé en ce lieu seul ou en compagnie des autres.

Alors qu’il s’était bien entendu parler, personne ne lui répondit. Néanmoins il n’était pas seul. Il avait entendu une expiration rauque non loin de lui.

« - Je sais qu’il y a quelqu’un ! Montrez-vous ! » fit Reinhardt.

« - Mais je suis déjà là ! » lui répondit une voix grave bien plus proche de lui qu’il ne le crut.

« - Merde ! C’est quoi ce délire ? » s’exclama-t-il en se mettant en position de défense et bandant ses muscles, prêt à taper à l’aveuglette s’il le fallait.

C’est alors qu’il commença à distinguer quelque chose. Non pas qu’il y ait soudainement eu une infime source de lumière. Non, l’adrénaline qui coulait dans ses veines éveillait ses cinq sens ... y compris son sixième qu’il n’avait jamais appréhendé comme un sens. Reinhardt finit alors par comprendre la situation dans laquelle il se trouvait. Il était déphasé de la réalité dite classique, plongé qu’il était dans la matière noire. En le réalisant, sa vue s’adapta et il vit une silhouette qui se tenait juste à côté de lui. La créature était nimbée de ténèbres et semblait posséder une maîtrise de la matière noire qui dépassait tout ce qu’il avait connu jusque-là.

« - Qui êtes-vous et où suis-je ? » fit Reinhardt.

« - Tu tentes de pénétrer chez les gens et c’est toi qui pose les questions ? » lui répondit la créature.

Reinhardt s’amusa de cette réplique.

« - Je me nomme Reinhardt Nakts ! »

« - Quel prénom curieux ».

« - C’est toujours mieux que de ne pas avoir de nom ! »

Ce fut au tour de la créature d’émettre un son d’amusement.

« - Depuis mon trépas, j’ai perdu le droit de continuer à porter mon identité mortelle. tout ce dont tu as besoin de savoir c’est que je suis le Cheng Huang de la Grande Bibliothèque ! »

« - Le Cheng Huang ? » fit alors Reinhardt.

Ce terme faisait écho en lui, en la mémoire de Nocturne pour être plus précis. Les Cheng Huang étaient considérés comme des divinités tutélaires et pouvaient être de différentes origines : un être humain ayant acquis une certaine renommée de par ses actes de son vivant, un poltergeist repenti, voire même un démon domestique amendé. Quelle était donc la nature de celui qui gardait la Grande Bibliothèque ?

Reinhardt sorti de ses songes et observa la silhouette. Puis d’un geste du bras, il balaya la matière noire dans laquelle s’était enveloppé le Cheng Huang. Il découvrit alors son aspect. Il avait la peau rouge comme le sang, une barbe si épaisse qu’on ne distinguait pas où finissait la barbe et où commençaient les cheveux. Ses iris étaient incandescentes. S’il était encore nécessaire de le préciser, sa dentition en dents de scie finit de confirmer qu’il était un ancien démon domestique.

« - Maintenant, tu me vois comme je te vois ... mais tu ne vois toujours pas l’entrée. Telle sera ton épreuve. Trouve la porte des ténèbres menant à la Grande Bibliothèque ! »
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Autre lieu, ce même intervalle de temps

Blanche sut bien avant de regagner l’usage de la vue qu’elle avait changé d’endroit. La température avait drastiquement baissé en un clin d’œil, lui rappelant les entraînements de son père en milieu extrême. La vue revenue, tout n’était que glace et neige à perte de vue.

« - Étant donné ta condition physique, je ne peux attendre que tu me détectes » fit alors une voix dans son dos.

Blanche se retourna vivement, bien plus vivement que son interlocuteur ne l’aurait cru possible. Outre la présence d’un inconnu, la jeune femme se rendit également compte qu’elle avait été transportée en ce lieu seule. L’inconnu face à elle, à défaut d’être imposant par la taille, il l’était par sa posture conquérante et sûr de lui. L’individu était habillé d’une armure d’inspiration asiatique mêlant les styles chinois et japonais. Il portait une brigandine chinoise sur laquelle de nombreux éléments d’armure de samouraï japonais avaient été greffés, tels d’imposantes épaulettes sode, un long et épais tablier haidate ainsi qu’un casque kabuto muni d’un impressionnant masque menpô. Toute l’armure était dans des teintes rouges ; impossible de se fondre dans ce type de décor. L’individu avait la main droite posée sur le pommeau d’un sabre planté au sol.

« - Je me nomme Idaten et suis le gardien de la porte du crépuscule menant à la Grande Bibliothèque ! Sans le savoir, tu as déjà débuté ton épreuve de force ! »

Son haleine visible à chacune de ses expirations, Blanche observa son interlocuteur et l’arme qu’il possédait. Elle ne s’en laissa pas démontrer et dégaina ses deux longues machettes ... puis s’immobilisa. Son interlocuteur avait parlé d’une épreuve de force, or il n’avait pas la moindre once d’agressivité dans son langage corporel ; en voyant son épée et en entendant ses paroles, elle crut qu’elle allait devoir lui prouver sa valeur au combat. Mais en l’absence de son père, elle se devait de suivre les enseignements qu’il avait tenté de lui inculquer durant toutes ces années. En réalité, elle les avait retenus mais elle trouvait un malin plaisir de lui faire croire le contraire. Il était maintenant temps qu’elle lui prouve qu’il n’avait pas perdu son temps. Elle sentait le froid pénétrer sa chair mais elle ne devait pas céder à l’urgence de la situation ... mais au contraire l’analyser pour ne pas commettre d’impair. Qu’avait dit son père au sujet de la Grande Bibliothèque ? Qu’ils allaient devoir se montrer polis ?
Soudain, Blanche croisa le regard de ce dénommé Idaten au travers des orifices de son menpô. Quelque chose la troubla mais Blanche finit par se reprendre.

« - Je m’appelle Blanche ! Blanche Erebus ! Puis-je vous demander en quoi consiste cette épreuve de force ? »

Derrière son menpô, Idaten se mit à sourire.
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Au même moment, encore ailleurs

Après avoir regagné la vue, Jeremiah vit le formidable bâtiment qu’était la Grande Bibliothèque. Il paraissait lointain, sur l’autre rive de cette vaste étendue d’eau. Était-ce un lac, une mer, un océan ? Le vampire ne sut pas le dire. Le bâtiment était tel qu’il avait du mal à déterminer s’il était gigantesque et donc visible d’excessivement loin ou s’il était proche.
Regardant autour de lui, il vit rapidement qu’il était sur le seuil d’un large passage dans une muraille titanesque. Une muraille rocheuse qui aurait semblé n’être faite que d’un seul bloc s’il n’y avait pas eu ces gigantesques statues de plus de vingt mètres de haut aux reflets métalliques régulièrement espacées ... Du moins était-ce le sentiment qu’il avait de ce qu’il pouvait en voir. Il fit quelques pas en arrière et vit que la muraille se prolongeait de droite et de gauche aussi loin que son regard pouvait porter. Il leva les yeux vers le sommet de la muraille mais ne vit aucune vigie. A quoi pouvait bien servir pareille muraille avec un passage aussi important sans porte pour l’obturer ni vigie pour en garder l’accès ?
Ceci dit, il avait été aveuglé durant de longues secondes, les vigies avaient dû avoir tout le temps nécessaire pour le repérer. Peut-être épiaient-elles ses moindres faits et gestes depuis. Jeremiah se racla la gorge.

« - Hum ! Excusez-moi ? ... Bonjour ! ... Il y a quelqu’un ? » fit-il d’une voix forte.

« - Je me nomme Jeremiah Erebus et suis venu afin de consulter la Grande Bibliothèque si vous me le permettez ! »

Mais personne ne lui répondit. Il n’y avait pas un seul bruit autre que celui qu’il produisait. Le vampire attendit quelques minutes ainsi, immobile. Mais personne ne lui répondit ni ne vint à lui. Ayant remarqué qu’il était seul, il ne pouvait se permettre de rester plus longtemps ici à ne rien faire tandis que sa fille était dans une situation inconnue. Il se mit alors à avancer droit vers le passage dans la muraille. Alors qu’il allait le franchir, un pan de muraille apparut soudainement à quelques centimètres de lui.

« - INTRUS !!! » proclama alors une voix puissante qui sembla résonner dans l’air.

..oO( Ah ! Quand même !)

C’est alors qu’il sentit la terre trembler de façon très brève. Ce ne fut que lorsqu’il le ressentit une seconde fois qu’il comprit que c’était un pas, un pas particulièrement lourd. Il tourna alors la tête à droite et vit l’une des statues se décoller de la muraille. Sa position indiquait qu’elle n’avait fait encore qu’un seul et unique pas. Surpris, Jeremiah tourna la tête à gauche et vit qu’une autre statue s’était également décollée.

Derrière la seconde statue, il vit une autre statue faire un pas également. Puis il ressentit un quatrième pas.

« - C’est une blague ? Toutes les statues vont s’animer comme ça ? »

« - NOUS SOMMES TALOS ! NOUS SOMMES GARDIENS DE LA PORTE AQUATIQUE ! »

« - A quatre contre un ? Ce n’est pas le courage qui vous étouffe, les gars ! Mais soit, venez ! » fit Jeremiah en dégainant son épée.
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Ailleurs, au même instant

Lorsque la volute d’énergie se matérialisa, Frédéric fut le seul à comprendre instinctivement qu’elle allait être éblouissante. Se masquant les yeux du revers de la main, il s’épargna un aveuglément trop long. Avant même de rouvrir les yeux, il sentit qu’il avait changé d’endroit. Le sol sous ses pieds était mou, fuyant comme du sable.

Ouvrant les yeux, il eut la confirmation de ce qu’il pensait. Il était en plein milieu d’un désert digne du Sahara. Jetant un rapide coup d’œil autour de lui, il fut stupéfait de se retrouver seul. Où avaient été transportés les autres ? Il monta en haut d’une dune pour avoir une meilleure vue des alentours. Mais il n’y avait que du sable à perte de vue. Du sable, encore du sable et rien que du sable. Aucune trace de ses amis. L’horizon ondulait sous la chaleur torride qui régnait ici.

« - Me voilà bien avancé maintenant ! ... Y en a un qui va me maudire à coup sûr ! » fit-il avec amusement.

« - Crois-moi, tu as un tout autre sujet d’inquiétude pour le moment ! » fit alors une voix rauque derrière lui.

Frédéric se retourna et vit un animal noir sur une dune proximale. Un chien ... non, un loup étant donné sa morphologie. Son allure était curieuse pour un tel animal. Il semblait fier et avait la tête droite et haute. Son regard semblait être fait de braises. C’est alors qu’il vit apparaître en haut d’une autre dune, un autre animal, tout aussi noir mais félin cette fois, une panthère. Elle aussi avait un port de tête hors du commun. Tout comme le loup, la panthère avait un regard de braises. Sans quitter les deux animaux de son champ visuel, il chercha du regard un quelconque propriétaire à qui appartiendraient ces animaux et qui l’aurait hélé.

« - Je crois qu’il ne nous prend pas assez au sérieux, Oupouaout ! »

Frédéric tourna alors la tête vers la panthère. Était-ce elle qui venait de parler ?

« - Je le crains aussi, Mafdet ! »

Cette fois il en était sûr, c’était le loup qui venait de parler. C’était lui qui l’avait interpellé la première fois. Avait-il perdu l’esprit sous la chaleur de ce désert ? Non, c’était trop tôt ... et il ne faisait pas encore assez chaud pour lui.

« - Je rêve ou vous venez de parler ? » leur fit-il.

« - Vois-tu quelqu’un d’autre ici ? » fit le loup.

Frédéric resta immobile un instant. Qu’est-ce que cela signifiait-il ? C’est alors qu’il repensa au gardien fait de fumée. Lui non plus n’était pas humain, il avait pris cette forme pour leur être agréable. Manifestement, ses interlocuteurs présents ne comptaient pas le mettre à l’aise.

« - Je me nomme Frédéric Vaubois, je suis venu ici en quête de la Grande Bibliothèque ... »

« - Cela ne fait aucun doute, tu ne serais pas ici sinon ! » le coupa la panthère.

« - Je suis Mafdet, protectrice de la thermopyle de la Grande Bibliothèque ! » ajouta la panthère.

« - Je suis Oupouaout ... quant à ma fonction, tu la découvriras si tu réussis notre épreuve de force ! »

« - Fort bien ! Quelle est-elle ? » fit Frédéric en se frottant les mains, plein d’entrain.

« - Nous affronter ! » fit Oupouaout tandis que Mafdet bondissait dans la direction de Frédéric.
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Note : Le titre signifie « Force, part 2 : Vent, Obscurité, Crépuscule, Eau et Feu » en allemand.
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A suivre dans le chapitre 479 : Stärke, part 3 : Prüfungen !