Univers ??? - Derrière le Gåte Fraach

Le Gåte Fraach rétracté, il avait laissé la place à une arrière salle quelque peu différente. Elle faisait légèrement penser à l’intérieur d’un temple romain avec ses colonnades tout autour d’eux. Mais au sol point de dalles de marbre ... et puis il semblait iconoclaste de placer un tas de foin en plein milieu d’un temple.
Iconoclaste ou non, ce dit tas de foin constituait leur nouvelle épreuve. Avant de disparaître le Gåte Fraach leur avait demandé de trouver l’aiguille.

« - C’est pas possible ! Ils se foutent de notre gueule ? » s’exclama Reinhardt.

« - Il suffit que Frédéric brûle à feu doux le tas de foin et tout ce qu’il en restera sera l’aiguille » fit Blanche, pensant tenir la solution.

« - A condition que l’aiguille en question soit en métal et pas en ... bois par exemple. Ne nous précipitons pas » préconisa Frédéric.

L’homme tourna autour du tas, l’observant sous tous les angles et cherchant à déceler une éventuelle astuce. Ce n’était pas possible qu’on leur demande de simplement fouiller un tas de foin pour retrouver une aiguille.
Tous le regardaient faire. Tous sauf Isaac. Cela, Jeremiah l’avait remarqué. Le vampire comprenait que le drone ne pouvait les aider en raison d’un quelconque blocage programmé ... mais lui et Io luttaient pour le surmonter. Isaac ne regardait ni Frédéric, ni le tas de foin. Il semblait regarder droit devant lui, dans le vide. Puis le vampire vit qu’il se concentrait sur l’un des piliers les entourant. Jeremiah observa le dit pilier avec attention. C’était un pilier à section carrée avec un pied très mince d’une superficie à peine supérieure. A première vue il n’avait rien de particulier ... du moins de loin.
Jeremiah s’en approcha alors discrètement. Il en fit le tour et ne décela rien de plus qu’il aurait pu voir de sa précédente position. Il regarda à nouveau Isaac et confirma qu’il s’agissait bien du pilier qu’il regardait.

« - Qu’est-ce qu’il y a, P’pa ? » fit Blanche, le voyant faire, attirant le regard de tous par la même occasion.

« - C’est Isaac ; il ne regarde pas le tas de foin alors je me suis dis qu’il essayait de nous donner un indice en regardant ce pilier, mais ... Il est comme les autres, strictement iden ... »

C’est alors que Jeremiah posa les yeux sur le pilier dans le dos du drone.

« - Bon sang ! » fit-il en se précipitant vers le dit pilier.

Il n’était pas comme les autres. Il était unique en son genre ; il avait une base circulaire. Instinctivement, le vampire posa sa main dessus. Immédiatement, le pilier se mit à trembler. Puis il s’amincit à vue d’œil jusqu’à prendre le diamètre d’un bâton reliant le sol au plafond. Jeremiah le saisit alors à pleines mains et le bâton se raccourcit instantanément en un bô.

« - Voici un ruyi jingu bang ! Gokuwaru, le lama du Song Shan de la Terre 504 en possédait un dont il se servait d’arme. Voici notre aiguille ! » fit le vampire triomphalement.

C’est alors que le bloc de pierre que soutenait le ruyi jingu bang se désolidarisa du plafond et tomba au ralenti jusqu’au sol.

« - Notre prochaine épreuve, j’imagine » comprit Milla.

La jeune femme s’avança et regarda le plafond. Le trou donnait bel et bien dans une nouvelle salle au-dessus d’eux. Sans effort, elle bondit jusqu’au bord pour s’y agripper, se hisser et monter dans la pièce.

« - QU’EST-CE QU’IL Y A LA HAUT ? » cria Frédéric.

La tête de Milla apparut par le trou.

« - Je ne sais pas, il fait trop sombre ! J’aurais besoin d’un peu de lumière » répondit-elle en souriant à l’attention de son homme.

« - Trop sombre ? » s’étonna Reinhardt alors qu’ils avaient été jusque-là baignés dans une luminosité totale.

Sans hésiter, Frédéric bondit à son tour et se hissa dans la pièce.

« - Bon sang ! C’est peu de le dire qu’il fait sombre ! » constata Frédéric.

Ce dernier y remédia en enflammant immédiatement sa main.

« - ALORS ? » cria Reinhardt.

« - Alors rien ! C’est une pièce entièrement vide, on se croirait sous un quelconque dôme » fit Milla en repassant la tête par le trou.

« - Ou alors, l’épreuve ne s’activera qu’une fois qu’on sera tous montés » fit Jeremiah.

« - Bon, alors allons-y ! » répliqua Blanche en grimpant derechef dans la pièce.

Son père adoptif serra un peu des dents car elle avait agi avant même de réfléchir. Néanmoins, il la suivit en lévitant. Wade lui emboîta le pas de la même façon. Après quoi ce fut Wormcell qui bondit jusqu’au bord. Ne restaient plus qu’Isaac, Sandora et Reinhardt. Ces deux derniers s’échangèrent un regard.

« - Les femmes d’abord ! » fit Reinhardt.

La sirène passa par l’orifice en lévitant à son tour. Reinhardt la suivit en s’accrochant au bord. Passant uniquement la tête dans la nouvelle pièce pour prendre ses repères, il finit de s’y rendre en se téléportant. Derrière lui, le bloc qui s’était détaché remonta pour sceller le dôme, laissant un Isaac immobile dans la salle du ruyi jingu bang.

« - Bon sang ! Le robot est resté en-dessous ! » fit Reinhardt.

« - Et Miles ? Il est resté où ? » lui répondit alors une voix qu’il ne connaissait que trop bien.

A l’instant où Reinhardt se retourna vers la source de la voix, le dôme s’assombrit brutalement, comme si Frédéric avait éteint sa flamme. Néanmoins, sa vision s’adapta rapidement à l’obscurité. Face à lui se tenait un humain en tout point identique à lui, son jumeau ? Son clone ?

« - Qu’est-ce que tu es ? » fit Reinhardt.

« - Tu parles de quoi ? De cette enveloppe-ci ? » fit son interlocuteur tandis que des mains griffues teintées de ténèbres déchiraient sa peau de l’intérieur.

Rapidement, ce fut la forme démonique de Reinhardt qui fut face à lui, tenant sa peau humaine comme une simple chemise déchirée.

« - Ou de cette enveloppe-là ? »

Tandis que la forme démoniaque se parait de nombreux et divers attributs démoniaques, de la vapeur perça sa peau. La forme démoniaque se détacha alors d’un corps entièrement blanc et immaculé comme une épluchure visqueuse et huileuse, toujours rattachée par les jambes, encore noires donc.

« - Pestilence ? Comment es-tu sorti de mon corps ? »

« - C’est là l’astuce ! Je suis toujours là ! » fit Pestilence en le pointant du doigt.

« - Aaaaal ... riiii ... caaaauuuussss ... » fit alors la peau arrachée que la forme démoniaque tenait toujours pendante de sa main.

« - Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? » fit Reinhardt en reculant d’un pas.

« - Regarde-moi ! Qu’est-ce que tu vois ? »

« - Je ... Je ... Non ! C’est impossible ! »

« - Tu vois bien que non ! Je suis ce que tu deviendras ... du moins ta misérable enveloppe charnelle » répondit son double en faisant gigoter la peau.

« - Aaaaal ... riiii ... caaaauuuussss ... » fit à nouveau la peau arrachée.

« - Et tu sais pourquoi ? »

Reinhardt s’immobilisa, une goutte de sueur coulant sur sa tempe, comme redoutant ce qu’allait lui dire son double.

« - Tu ... n’es ... pas ... MILES !!! »

Reinhardt était manifestement atteint, il détourna le regard de son double, fronçant les sourcils mais pas de colère.

Tandis que Reinhardt était accablé, personne dans son groupe ne s’en rendit compte ... et pour cause. Chacun avait vu surgir une apparition dérangeante face à eux. Tous avaient été plongés dans l’obscurité. Même Frédéric qui vit sa flamme être soufflée comme une simple allumette.

Face à lui se tenait une créature, non, un horrifique monstre. Une bête innommable comme hybride de plusieurs créatures, une chimère ... et particulièrement grande. Elle avait des sabots à la place des pieds, une pilosité abondante, une queue serpentine, des ailes de cuir, des cornes, plus d’une paire, et des crocs et autres dents diverses et variées appartenant à différentes bêtes, de la canine carnivore à la défense porcine.
Instinctivement, Frédéric se métamorphosa immédiatement en lycanthrope et le monstre face à lui émit un son semblable à un rire.

De son côté Sandora se fit accaparer par des voix qu’elle avait déjà entendues auparavant.

« - Te voici donc de nouveau parmi nous ? »

« - Ce n’est pas étonnant ! »

« - Nous te l’avions dit ! »

« - Mais elle n’a pas écouté ».

« - Bien sûr que non ! »

« - Elle a échoué ! »

« - Encore ! »

« - Tel était son destin ».

« - Vous ne m’avez pas fait peur la dernière fois, vous ne me ferez pas peur cette fois-ci non-plus ! » affirma Sandora.

« - Oooh ? Le petit poisson se débat ? »

« - Mais combien de temps pourra-t-elle tenir hors de l’eau ? »

« - Regardez ! Elle suffoque déjà ! »

« - Mais pas à cause du manque d’air ».

« - Non ! A cause de ses échecs répétés ! »

« - Et en quoi aurais-je échoué ? » demanda Sandora, faussement bravache.

« - L’idiote ! »

« - Elle ne sait même pas reconnaître ses échecs ! »

« - Elle ne reconnait déjà pas ses torts, comment le pourrait-elle ? »

« - ARRÊTEZ VOTRE SALE JEU ! » cria la sirène.

« - Crier n’effacera pas tes échecs ! »

« - Tu as échoué, ton amour était trop faible ! »

« - Regarde-le, ton amour, aux bras de qui est-il maintenant ? »

« - Pas aux tiens ! »

« - Et pourquoi ? »

« - Parce qu’elle est trop faible ! Insignifiante ! »

« - Épargner à un humain d’être possédé par un cavalier ? Pfff ! »

« - Il n’en a jamais été aussi proche ! »

« - Guerre approche et tu ne pourras l’arrêter ! »

« - Et comment le pourrait-elle ? »

« - Avec ses cris ? »

« - AH ! Ceux de Guerre couvriront bientôt les siens ! »

« - A moins que ... »

« - Mmmm ! Oui, peut-être ... »

« - Quoi ? Peut-être que quoi ? » fit Sandora, tombant dans le piège des sinistres augures.

Comme se condamnant elle-même en posant la question, une silhouette prit forme devant ses yeux. C’était une femme, une sirène également mais elle dégageait un sentiment de puissance incroyable. Elle était à la fois monstrueuse et fascinante. Ses nageoires dorsales étaient si grandes que l’on aurait pu les prendre pour des ailes. Sa chevelure blanche semblait tentaculaire.

« - Qui est-ce ... ? »

Mais en posant la question, Sandora sut instinctivement la réponse ; c’était elle-même. Celle qu’elle devrait devenir si elle voulait compter.

Face à Milla se tenait également une femme ... ou du moins ce qu’il en restait. Face à elle se tenait debout le cadavre d’une femme desséchée, comme brûlée vive par un terrible incendie.

« - Vois-tu ce qu’il t’arrivera si tu persistes ? » fit une voix semblable aux sinistres augures avec lesquelles Sandora était en proie.

« - Et vous pensez me faire peur en me montrant ça ? » fit Milla, le sourire aux lèvres.

« - Tu n’as pas peur ? »

« - Tu devrais ! »

« - Et vous, vous devriez la fermer ! Si je vous mets la main dessus, je vous déchiquète ! »

« - La petite est forte ! »

« - Elle se croit forte ! »

« - Mais elle est faible ! »

« - Elles le sont toutes face à la guerre ! »

« - Hé bien amenez-vous histoire de voir qui est la faible ! » fit Milla en se faisant craquer les jointures des doigts.

« - Insignifiante illettrée ! »

« - Des imbéciles, on en a vu pléthore ! »

« - Des comme elle, pas beaucoup ! »

« - Ce sont celles qui brûlent le mieux ! »

« - Sans déconner ! Si je vous trouve, vous allez regretter de ne pas l’avoir fermée quand je vous l’ai dit ! »

Si Milla semblait mieux s’en sortir que Sandora, Blanche, quant à elle, semblait tétanisée par la vision qu’elle avait face à elle. Des larmes s’écoulaient lentement de ses joues alors qu’elle voyait une représentation d’elle même plus animale que jamais. Une chevelure longue, ébouriffée et entièrement rouge. En guise de vêtements, elle portait des haillons qui laissaient apercevoir son intimité par endroits. Elle était barbouillée de sang et entourée de jeunes enfants de Judas qui attendaient leur tour pour se repaître une fois que leur reine aurait fini.

Pour sa part, Jeremiah était hanté par une vision similaire de lui-même se tenant tel un maître vampire, ailes déployées, sur un monceau de cadavres ; les cadavres de ses compagnons exsangues.

D’autre part on avait Wormcell qui semblait étudier, dévisager quelque chose, ou plutôt quelqu’un. Il se voyait comme s’il était encore identique à Cromwell, un humain, un soldat, un mercenaire ... un être normal ... mais pas comme le Cromwell de l’Unicorps, comme celui qu’il était autrefois au sein du Mastercorps avant de n’être réduit à rien de plus qu’à un chien. A l’époque il était normal ... mauvais, vicieux, fort et retors. Voir Wormcell agir ne permettait pas de déterminer s’il admirait cet ancien avatar de lui-même ou s’il le craignait.

Concernant Wade, il semblait être le moins dérangé par sa vision de tout le groupe. Et pourtant, il n’était pas épargné. Des ailes sinistres dans le dos, maniant une gigantesque faux à la lame rougie par le sang de ses victimes, il fauchait à tour de bras. Que ce soient des guerriers, des monstres ou encore des enfants, il fauchait toute vie sans hésiter un seul instant. Il ne cessait son labeur que pour plonger dans les bras grands ouverts de Dame Mort. Wade était immobile ... silencieux ... impassible ... indifférent.
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Note 1 : le titre signifie « Une aiguille dans l’abîme, part 1 : Catharsis ». Il est une double référence à la fois à l’expression « autant chercher une aiguille dans une botte de foin » et à l’aphorisme « quand tu regardes l’abîme, l’abîme regarde aussi en toi ».
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A suivre dans le chapitre 506 - A needle in the abysm, part 2 : Sublimations !