Terre ??? - Oros - Village Wenja

Se fichant complètement des apparences, Jeremiah atterrit au beau milieu du village en flammes. Tout autour de lui brûlait. Les huttes, les râteliers, même la palissade étaient la proie aux flammes. Quelqu’un s’était évertué à ce que tout brûle. A la droite du vampire une première hutte s’effondra. Hormis le crépitement et les craquements dûs aux flammes, le village était parfaitement silencieux. Il n’y avait aucun cri, aucune plaintes. Où étaient passés les wenja ? Bravant les flammes qui le léchaient, Jeremiah ratissa le village et ne tarda pas à tomber sur les premiers cadavres. Là il reconnut le corps de la tanneuse ; elle avait été égorgée et les flammes commençaient à ravager son cadavre. Puis ce fut les préposés au rocher qu’il retrouva, les corps en travers du sentier menant au rocher. Plus bas, Jeremiah vit les cadavres de nombreux wenja agglutinés à côté du rocher qu’ils n’étaient pas parvenus à déplacer pour s’échapper. Jeremiah serra les dents. Quel était donc ce vampire, non, cette bête qui tuait sans boire le sang de ses victimes ; qui tuait non pas par nécessité mais par plaisir sadique. A l’exception d’un ou deux wenja, Jeremiah avait quasiment reconnu les corps de tous les villageois, y compris le pleutre et le chef de la tribu. Seuls deux manquaient à l’appel : Karsay et Wokar. De suite, le vampire s’élança en direction de la tente de Wokar ; elle était vide. En train de brûler mais vide. Il ressortit immédiatement pour se précipiter vers celle de Karsay. La hutte était également en train de brûler et la peau qui servait de porte avait été arrachée.
Jeremiah pénétra dans la hutte et vit immédiatement qu’un combat y avait eu lieu. Tout avait été mis sans dessus dessous et des grandes gerbes de sang constellaient les parois. Au fond de la hutte, en train de pousser son dernier souffle gisait Karsay. Le vampire accourut vers lui.

« - KARSAY ! »

Le chaman sourit péniblement en le voyant.

« - Nous allumer feu mais Kuzgwar venir quand même » dit-il faiblement.

« - Moi être désolé ».

« - Non ! Rêves prédirent ça, moi savoir ».

Le vampire fut étonné par cette révélation.

« - Maintenant toi tuer Kuzgwar, toi prêt ».

« - Karsay ? KARSAY ! »

« - Karsay parti grand sommeil ! » dit alors la voix de Wokar dans son dos.

Jeremiah se retourna en sursaut, il ne l’avait pas entendu arriver.

« - Wokar ? Comment ? »

« - Karsay cacher moi. Moi pas vouloir. Karsay assommer moi. ... Karsay raison, moi mort si ici cette nuit ... Nous tuer Kuzgwar ! Moi prêt ! »

Sur ces derniers mots, Wokar dévoila le bandage que Karsay lui avait fait. Une sorte de cataplasme cicatrisant appliqué avec des feuilles bien spécifiques. A l’odeur que ça dégageait, il y avait une sorte d’anesthésiant dans ces plantes qui permettrait à Wokar de se déplacer sans ressentir la douleur de sa blessure. Le chasseur était déterminé. Il était le dernier debout de sa tribu et comptait bien emmener celui qui l’avait décimée. C’est alors qu’ils entendirent un hurlement. Ils sortirent tous les deux de la hutte de Karsay. Le cri retentit à nouveau. Il était puissant mais lointain. Jeremiah scruta l’obscurité et malgré les flammes, il vit une silhouette à flanc de la montagne la plus proche. Manifestement, cette silhouette le voyait parfaitement également. Il fit des gestes provocateurs pour le défier avant de continuer à gravir la dite montagne.

« - Je vois le Kuzgwar ; il escalade la grande montagne » informa Jeremiah.

La grande montagne était une formation tellurique importante dont l’escalade était extrêmement difficile. Même Wokar ne s’y frottait d’ordinaire pas. Mais cette nuit, rien ne lui paraissait impossible. Voyant sa détermination, Jeremiah avança vers le point le plus proche de la palissade. Dirigeant sa main vers elle, il provoqua une poussée télékinésie qui la fit voler en éclats.
Wokar fut un instant stupéfait. Il se reprit bien vite et avança à travers la brèche. Tous deux s’élancèrent vers la grande montagne. Ils traversèrent la forêt avec célérité, ne prenant pas garde aux autres dangers qui pouvaient rôder dans les parages. Bondissant hors d’un buisson, ils furent soudain nez à nez avec un gigantesque ours des cavernes. L’animal fut tout aussi surpris qu’eux de cette soudaine confrontation. Déjà il se dressait sur ses pattes arrières, devenant encore plus gigantesque. Il commençait à grogner et n’allait pas tarder à attaquer. Ils n’avaient pas le temps pour cela. Jeremiah s’éleva alors au-dessus du sol et se mit à hurler toute la fureur qui était en lui. Il créa de multiples bourrasques télékinésiques qui giflèrent et fouettèrent tout ce qui se trouvait devant lui, y compris l’ours. L’animal ainsi attaqué prit ses jambes à son cou et ne demanda pas son reste. Jeremiah et Wokar reprirent leur course.

Une vingtaine de minutes plus tard, ils arrivèrent enfin aux pieds de la grande montagne. Ils furent accueillis par un nouvel hurlement. Le Kuzgwar avait senti leur arrivée. Sans leur permettre de commencer à escalader, un terrible grondement retentit. Tous deux levèrent les yeux pour voir un énorme rocher débouler dans leur direction. Sans difficulté, le vampire immobilisa le rocher avant de l’écarter d’un geste anodin de la main.

« - Wokar, excuse-moi ».

Sans lui demander la permission, Jeremiah les souleva tous les deux par télékinésie et montèrent rapidement d’altitude.

« - Moi voler ? » fit Wokar, étonné et enjoué.

Mais en voyant le regard déterminé de Jeremiah, Wokar se concentra à nouveau sur leur objectif : le Kuzgwar. Ce dernier projeta plusieurs rochers mais sans succès ... ou plutôt en énervant davantage Jeremiah. Lorsque la bête fut enfin discernable, le vampire en profita pour lui asséner une poussée télékinésique surpuissante. Sous l’effet de l’attaque, le Kuzgwar gravit la montagne de plusieurs mètres d’un coup et disparut à la faveur d’une corniche.

Wokar et Jeremiah gagnèrent cette même corniche à peine quelques secondes plus tard ... mais point de trace du Kuzgwar. Et pour cause, l’infâme créature s’était enfuie dans la caverne dont l’ouverture se révélait à eux. Wokar fut surpris de son existence. Il faut dire qu’il n’était jamais grimpé aussi haut. Ici le froid se faisait mordant.

« - Ici froid comme territoire Udam » dit-il en se frottant les épaules de ses deux mains.

Jeremiah observa l’entrée de la caverne avec attention, ses sens à l’affût. Grâce à ses capacités nyctalopes, il put voir à l’intérieur de la caverne avant d’y pénétrer. Elle semblait s’enfoncer profondément dans la montagne mais aucune trace du Kuzgwar. Le vampire regarda autour de lui et eut une vue d’ensemble d’Oros. Il n’avait pas réalisé qu’ils étaient montés si haut. Il leva les yeux au ciel et ne vit pas le sommet de la montagne, masqué par un épais manteau de nuages. La grande montagne n’usurpait pas son nom. Il ne s’attarda pas sur ces "détails" et reporta son attention sur la caverne. Rien n’avait changé, elle ne semblait pas accueillante mais il ne semblait pas y avoir de pièges immédiats. Lui et Wokar pénétrèrent la caverne avec précaution.

Rapidement, Wokar n’y vit plus. Non dépourvu de ressources, Wokar prit l’une de ses sagaies et la brisa pour en faire deux manches plus courts. Il enroula une lanière de cuir autour de l’un des deux avant de l’enflammer grâce aux étincelles issues du frottement de deux silex. Ils purent ainsi reprendre leur avancée. Jeremiah devint encore plus nerveux. Bien sûr Wokar avait besoin de cette torche pour y voir mais elle annonçait également leur avancée au Kuzgwar.

Près d’un quart d’heure plus tard, ils déambulaient toujours dans les couloirs tortueux de cette caverne. Le vampire avançait droit devant lui mais sans suivre une quelconque piste. Le Kuzgwar n’avait laissé aucune trace derrière lui. C’était à se demander s’il était bien entré dans cette caverne avant eux. Alors que le vampire se posait de sérieuses questions, un terrible hurlement retentit dans la caverne. C’était le Kuzgwar. Ils accélèrent alors le pas pour arriver dans un endroit de la caverne qui s’élargissait soudainement en une gigantesque cavité dont le fond était inondé. Mais où était le Kuzgwar ? La cavité recelait de nombreux angles morts, la bête pouvait être dans n’importe lequel d’entre eux. Wokar posa sa torche au sol et prit une sagaie à deux mains. Le Kuzgwar avait choisi ce lieu pour leur affrontement. C’était ici et maintenant que tout allait se jouer. Le Kuzgwar cria à nouveau. Malgré le son qui se répercutait en tous sens dans cette cavité, Jeremiah le repéra rapidement. Remarquant que celui-ci fixait un lieu précis, Wokar l’aperçut aussi et écarquilla les yeux en voyant son apparence.

« - Un Udam ? » fit-il, stupéfait.^[1]

D’après Karsay, le dernier Udam était mort il y a quelques années. C’était le fils de Ull, le chef de guerre udam, que Takkar avait ramené à l’un de leurs villages. Bien qu’ayant vécu selon le mode wenja, l’enfant avait connu la même dégénérescence que le reste de son peuple et était mort. Alors qu’est-ce qu’un udam faisait ici et maintenant dans cette caverne ? Bien que Wokar n’arrivait pas à le croire, la description que Karsay avait fait des udam s’appliquait parfaitement au Kuzgwar. La créature était dotée d’une forte carrure avec une musculature développée. Bien que dans l’obscurité, son visage semblait plus primitif que ceux des wenja avec notamment un taurus proéminent. Autre chose frappante, son corps était couvert de marques rituelles peintes avec le sang de ses victimes ; une chose inédite pour les udam et habituellement réservées aux izila qui se peignait le corps en bleu.

Peu importe ce qu’était cette créature. Il était hors de question qu’elle poursuive son massacre. Jeremiah tenta une puissante frappe télékinésique. Mais le Kuzgwar esquiva l’attaque et disparut de leur vue. Wokar bondit alors sur un petit ilot rocheux émergé au centre de la cavité.  Le Kuzgwar réapparut alors à un autre endroit de la caverne en hurlant à nouveau. Cette fois ce fut Wokar qui fut le plus rapide. Tiré de sa stupéfaction, il lança sa sagaie droit sur la poitrine du Kuzgwar où elle se ficha. Le Kuzgwar sembla s’en amuser. Il retira la lance semblant ne pas être affecté par cette blessure. Aussi vif que l’éclair, il la renvoya à Wokar qui se la prit en pleine épaule.

« - Wokar ! »

Jeremiah détourna son attention une fraction de seconde du Kuzgwar pour rejoindre Wokar. Le prédateur en profita pour disparaître à nouveau. Wokar se redressa et retira douloureusement l’arme de son épaule. Le Kuzgwar n’avait pas évité un point vital par maladresse, il avait visé le bras dominant de Wokar. Le chasseur s’en retrouvait ainsi grandement amoindri. Il jouait avec eux.

Un bref instant, la colère submergea Jeremiah qui provoqua dès lors des poussées télékinésiques sur tous les obstacles derrière lesquels le Kuzgwar pouvait se cacher. En quelques secondes il pulvérisa tout stalactite et stalagmite à portée. Mais aucun d’eux n’abritait leur ennemi. Reprenant son calme, le vampire embrassa l’intégralité de la caverne d’un regard. C’est alors qu’il se rendit compte que Wokar avait disparu. Où était-il passé ? Soudain, il vit des remous dans l’eau. Des bulles d’air remontèrent à la surface avant que l’eau ne se teinte de rouge, du sang de Wokar. Le Kuzgwar avait profité de son instant de fureur pour emporter son ami dans l’eau et le tuer. A nouveau, Jeremiah sentit la colère bouillir en lui. Mais il devait se calmer. Il le savait, cela jouait contre lui. Malgré ce que Terki lui avait révélé, Jeremiah avait encore sous-estimé l’intelligence du Kuzgwar et cela avait coûté la vie à Wokar.

Désirant tout détruire autour de lui, Jeremiah regagna difficilement son calme. Il scruta l’eau mais celle-ci était particulièrement sombre et même sa nyctalopie n’y pouvait rien. Néanmoins un autre sens allait pouvoir lui être utile. Par le passé il était parvenu à ressentir le mouvement des masses d’eau autour de lui. Peut-être pourrait-il réitérer ce phénomène. Il ferma les yeux et se concentra. Sa fureur s’effaça pour faire place à un calme olympien. Ses sens s’aiguisèrent à mesure qu’il se concentrait. Son ouïe percevait le crépitement de la torche de Wokar mais également le clapotis des gouttes qui tombaient du plafond dans l’eau en contrebas. Son odorat fut submergé par l’odeur du sang. Pas seulement celui de Wokar, non. Il ne l’avait pas remarqué mais cet endroit empestait le sang et la mort. C’était comme si le Kuzgwar s’était tapi ici de nombreuses années en y ramenant ses proies. Son toucher ressentait la froideur de la grotte. Son goût et sa vue n’étant pas mis à contribution, ceux-ci ne lui apportèrent aucune information. Au-delà de ces cinq sens, le vampire sembla accéder à un sixième en ressentant la gigantesque masse d’eau sous ses pieds. La grotte était bien plus profonde qu’il ne l’aurait cru. Soudain, il ressentit comme un brassement dans cette masse. C’était le Kuzgwar ! Même s’il ressentait sa présence ce n’était qu’une sensation assez vague. Il ne le localisait pas précisément. Impossible donc de l’extraire par télékinésie.

..oO( Il n’y a plus qu’à le faire sortir !)

Jeremiah rouvrit les yeux. Ses iris rayonnaient d’un bleu roi lumineux. La température de la caverne baissa drastiquement. Déjà les rives commençaient à blanchir. Le vampire gelait l’eau. Tôt ou tard le Kuzgwar serait forcé de sortir de l’eau s’il ne voulait pas finir congelé. Les secondes s’écoulèrent ainsi dans l’attente que la bête ne surgisse. A mesure qu’il cristallisait l’eau de la caverne, des épées de glace se formaient dans ses mains. Il était prêt à accueillir l’innommable bête. Alors qu’il avait déjà gelé près de la moitié du volume d’eau, le Kuzgwar en sortit en trombes. L’ayant sentit bouger, Jeremiah le repéra immédiatement. Il fondit sur lui sans lui laisser une seule seconde de répit. L’action ne dura qu’une fraction de seconde.

Atterri sur la berge, le Kuzgwar vit Jeremiah devant lui, lui tournant le dos, les bras écartés. La bête se mit à sourire et fit mine d’avancer. Quelle ne fut pas sa stupéfaction en restant sur place, ses jambes ne répondant plus. Le Kuzgwar baissa les yeux et vit que ses pieds et ses mollets étaient pris dans la glace. Jeremiah se redressa et fit volte face. Il fit éclater la lame dans sa main gauche, conservant uniquement celle dans sa main droite. Puis il s’avança. Le Kuzgwar se débattait, il voulait bouger mais Jeremiah y avait veillé. Il ne bougerait que s’il le voulait.

« - Je ne sais pas d’où tu viens, je ne sais pas si tu as eu le choix avant de devenir celui que tu es aujourd’hui ... mais soit sûr d’une chose ... Tu va payer pour toutes les vies que tu as prises inutilement ... et crois-moi, tu vas souffrir ... beaucoup souffrir ! »

Le Kuzgwar se débattait toujours autant, il tenta même de lacérer Jeremiah une fois arrivé à portée. Celui-ci fit alors un geste bref mais incroyablement puissant. Les pieds du Kuzgwar se brisèrent comme du verre. La créature tomba à la renverse avant de se mettre à hurler de douleur. Jeremiah lui laissa tout loisir de savourer cette douleur indicible.
Après quelques secondes, Jeremiah ajouta : « - Ça, c’était pour le village ! »

Puis il avança sur le Kuzgwar et gela sa jambe gauche jusqu’au genou avant de l’éclater sous son pied. Celui-ci redoubla son hurlement.

« - Ça, c’était pour la tanneuse ! »

Il lui éclata l’autre mollet de la même façon en déclarant que c’était pour le pleutre. Après cela, le Kuzgwar se retourna, se mit à plat ventre et commença à ramper pour fuir Jeremiah. Ce dernier le laissa s’éloigner mais sans le perdre de vue. Le Kuzgwar gémissait à mesure qu’il rampait. Il quitta ainsi la cavité par une sortie que le vampire n’avait pas vue. La cavité débouchait sur un couloir tout en pente. Mais cela n’arrêta pas le Kuzgwar. Jeremiah le laissa se traîner sur plusieurs mètres avant de lui envoyer un poignard de glace dans la cuisse gauche. Celle-ci gela immédiatement. Le Kuzgwar ralentit l’allure un moment avant de recommencer à ramper. Jeremiah éclata alors sa cuisse avec une poussée télékinésique.

Il le soumit à ce supplice durant près d’une heure en énumérant les différents wenja qu’il avait massacrés plus tôt cette nuit. Un moment, Jeremiah crut qu’il ne pourrait pas punir le Kuzgwar pour toutes ses victimes, mais la bête était endurante. C’est ainsi qu’une heure après il ne restait du Kuzgwar que le haut du torse et son bras droit. Il rampait toujours mais bien plus lentement, il n’allait pas tarder à rendre son dernier souffle. Il lui gela alors l’intégralité du bras et le lui éclata.

« - Ça, c’était pour Karsay ! »

Jeremiah retourna le Kuzgwar du pied pour qu’il lui fasse face.

« - Et enfin, pour Wokar ! »

Jeremiah le décapita sans une once d’hésitation. Un râle de rage retentit alors au loin dans le couloir qui n’avait cessé de monter.
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[1] : Note : Voici à quoi ressemble un udam :

Dans sa description, je précise qu'il a un taurus développé. Le taurus est le bourrelet longitudinal plus ou moins proéminent situé en bas du front, au niveau des sourcils. C'est un caractère primitif qui se retrouve encore chez l'homme actuel.
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A suivre dans le chapitre 421 : A l'origine du fléau, part 1