Terre 6354 - Q.G. d’une des Force de Frappe de l’Unicorps

La révélation de Westwood quant au programme Zénith laissa Frédéric et Milla bouche bée un petit instant. Instant que Westwood savoura discrètement.
Une fois l’information assimilée, Westwood expliqua ce qu’était le programme Zénith. Bien que le programme soit vaguement connu de la majorité des membres des différentes divisions de l’Unicorps, très peu savaient où il se déroulait et encore moins de ce qu’il en retournait réellement. Le programme est hébergé dans un complexe militaire dont l’emplacement est tenu secret et enfoui sous plusieurs dizaines de mètres de roche. Le but du programme est d’élever le potentiel de chacun au-delà de son maximum connu ... à son zénith. Bien sûr, une session commune à tout le monde n’aurait pas les effets escomptés. C’est pourquoi le programme Zénith présente cinq divisions : Paladin, Wartech, Merlin, Genôme et Fenrir. Pour permettre aux quelques élus de se surpasser, cinq divinités mineures alliées sont venues en aide. Fort heureusement, trois des cinq divisions étaient inactives lors de l’attaque du Mastercorps. Les divinités ont pu s’extraire de la dimension sans problème ... ce qui ne fut pas le cas des deux dernières. Stephen et Westwood étant sortis de Zénith alors que le Mastercorps avait déjà commencé son attaque. Ils scellèrent le complexe derrière eux pour que personne n’y accède le temps qu’ils s’occupent de l’envahisseur. Ils n’avaient pas réalisé la menace que le Mastercorps représentait et maintenant deux divinités étaient piégées dans Zénith attendant que le Mastercorps les cueille.

« - On parle de dieux tout de même ! Ils ne sont pas capables de se démerder seuls ? » s’esclaffa Frédéric.

« - Ce sont certes des dieux mais ils ne font pas partie du top tier de leur panthéon, comme on dit » répliqua Westwood.

« - Ouais, j’imagine que des "top tier" ne se seraient pas abaissés à vous élever » conclut Milla.

« - Exactement ! »

« - Ce ne sont pas des divinités surpuissantes, ok, et donc ... Elles sont impotentes ? » s’étonna Frédéric.

« - Certes non mais d’après "leur" Giaz, le Mastercorps a déjà mâté et réduit en esclavage, si ce n’est pire (il a utilisé un terme inconnu de notre langue pour décrire ce qu’ils leur ont fait), des divinités de cet ordre. On ne peut donc pas leur permettre de mettre la main sur eux et de se renforcer ou que sais-je encore ? »

« - Et on peut savoir qui sont ces divinités incapables de se protéger elles-mêmes ? » demanda Milla.

« - Taït et Iat ! » répondit Westwood après un court moment d’hésitation.

Frédéric et Milla restèrent sans réaction, ne connaissant manifestement pas ces deux divinités.

« - D’après la forme de leurs noms, je dirais qu’ils proviennent du panthéon égyptien mais ... je ne les connais pas » fit Frédéric.

« - Exact ! Presque personne ne les connait. Taït est la déesse des tisserands et des étoffes. Elle a grandement contribué à construire l’armure que je porte. Quand à Iat c’est la déesse du lait, de l’accouchement et de l’éducation ... Parait que Stephen a dû ingurgiter une grande quantité de lait ... Mais ne lui en parlez pas, ça le contrarie quelque peu » fit Westwood avec un trait d’humour.

Mais son auditoire resta froid à cette réplique.

« - Pour être plus sérieux, si Taït tombent entre les mains du Mastercorps elle pourrait être forcée de "tisser" des armures semblables à la mienne. Ils sont déjà bien assez dangereux comme ça sans avoir à en bénéficier. De son côté, Iat ne fait pas que simplement éduquer son disciple, elle lui ouvre l’esprit à d’autres possibilités, à d’autres angles de visions. Là encore pas besoin que ces tarés voient un autre angle sous lequel nous attaquer ».

Frédéric fronçait les sourcils. Il avait conscience que Westwood avait raison sur l’impérative d’un tel sauvetage. Mais ce qui le contrariait et lui faisait froncer les sourcils n’était pas que Westwood avait raison, c’était tout autre chose.

« - Vous avez assez d’hommes pour aller les secourir ? » demanda-t-il finalement.

« - J’ai les hommes que tu voies là ! » répliqua Westwood.

Frédéric et Milla observèrent le hangar et les hommes et femmes capables de se battre.

« - C’est une plaisanterie ? » fit Frédéric.

« - J’ai bien peur que non ! ... Et ce sera sans Stephen, à moins que tu n’aies une solution pour qu’il puisse se joindre à nous tout en gardant ce Q.G. camouflé ».

« - Mais t’inquiète pas ! On arrivera bien à se démerder. Je vais te donner le lieu où Sandora s’est retirée avant votre voyage vers la dimension 8809. Pour le moment, le complexe Zénith n’a pas été découvert donc on devrait pouvoir y arriver sans toi ».

Frédéric resta circonspect. Westwood recherchait dans ses bases de données où s’était retirée Sandora sans lui demander quoi que ce soit en échange. C’était bien la première fois qu’il allait obtenir une information sans avoir à donner de sa personne en retour.

« - Voilà ! Sandora s’est retirée dans une station balnéaire aux bords du lac Léman. Je ne sais pas ce que tu y trouveras mais je te souhaites bonne chance ! Avant de partir, tu peux aller voir Kristell, vu ta tronche » fit Westwood avant de s’éloigner.

Frédéric resta pensif un instant. Que faire ? S’il était revenu à l’Unicorps c’était uniquement pour sauver Sandora ... même s’il n’était pas sûr de ce qu’il ressentirait lorsqu’il la reverrait. D’un autre côté, le Mastercorps ne devait surtout pas mettre la main sur des divinités susceptibles de les renforcer davantage. Alors que faire ? Frédéric se tourna machinalement vers Milla et la regarda droit dans les yeux comme espérant y trouver une quelconque réponse. Ce qu’il y décela était le même questionnement que le sien : qu’est-ce qui était le plus important à ses yeux ? Partir à la recherche de Sandora quitte à ne pas la trouver ? Ou empêcher une menace de se renforcer davantage ? Kristell s’approcha de lui alors qu’il était en pleine réflexion.

« - Eh bien ! J’ai rarement vu quelqu’un dans un pareil état ! » fit-elle avec un sourire.

« - Tu as besoin de soins quelconques ? » demanda l’ancien ange.

« - Mes chairs vont se régénérer d’elles-mêmes mais ... tu peux faire quelque chose pour les morceaux de métal ? » fit Frédéric.

Kristell le scanna alors avec un appareil argenté fixé dans la paume de sa main. Le gimmick de l’ancien ange parla pour elle avant qu’elle n’ouvre la bouche.

« - Ces morceaux de métal sont fusionnés à ta chair. D’après les cicatrices qui ne se sont pas encore résorbées, je vois que tu en as arraché la majeure partie de toi-même. Même si je peux faire des incisions pour en ôter quelques unes supplémentaires, il y a certains endroits où cela serait délicat d’intervenir » dit-elle en grimaçant et faisant comprendre discrètement qu’elle parlait du bas ventre.

Ce fut au tour de Frédéric de grimacer.

« - Tu peux faire ça maintenant ? » demanda-t-il.

Kristell se retourna un instant vers les réfugiés, jaugeant si d’autres avaient besoin de soins urgents.

« - Oui ! On a aménagé les vestiaires pour ce genre d’opérations délicates » dit finalement l’ange en se retournant vers lui.

Kristell emmena Frédéric et Milla jusqu’aux vestiaires. Là y était installé un nécessaire rudimentaire pour les urgences. Frédéric s’allongea sur la table métallique, sur le ventre. En effet, il n’avait pas pu arracher tout ce qu’il aurait voulu de son dos.
L’ancien ange avertit qu’en raison de sa régénération accélérée elle ne pourrait utiliser de tranquillisants. Elle recommanda alors à Milla de lui parler pour le distraire un minimum.
La première chose qu’elle lui demanda fut de lui parler du lieu où ils se trouvaient. De cette dimension, de la planète, du hangar. Bien incapable de répondre quant à ce dernier ce fut Kristell qui répondit tandis qu’elle incisait les chairs de Frédéric et lui retirait déjà le troisième morceau de métal. Ils se trouvaient dans l’ancien Q.G. de la Force de Frappe Suicide. Cette force était composée d’anciens membres respectables de l’Unicorps. Mais suite à certaines altercations ou rencontres, leurs biologies s’étaient retrouvées altérées et représentaient un danger pour eux-mêmes ainsi que pour leurs coéquipiers. Généralement, ils étaient tous des cas en sursis ; leurs modifications les tuant à petit feu. Servant ou protégeant au nom de l’Unicorps lorsque cela leur est arrivé, autant mettre leurs nouvelles capacités à son service pour le peu de temps qu’il leurs restait. Sur ce Kristell ôta un nouveau morceau de métal non sans faire grimacer Frédéric. L’ancien ange conclut que malgré le nom de cette force, tous n’étaient pas irrécupérables. Lorsque Hector vit sa physionomie changer, il choisit d’intégrer la F. F. Suicide. Puis son métabolisme s’est stabilisé et il a pu réintégrer la F. F. Oblivion.
Milla demanda alors pourquoi était-ce leur ancien Q.G.. L’air de Kristell s’assombrit alors. La F. F. Suicide avait été parmi les premières forces à se confronter au Mastercorps. Comme nombre d’entre autres, elle avait été éradiquée. Situé volontairement à l’écart du siège, ce Q.G. était tout désigné pour les abriter le temps que Westwood et ses hommes fassent ce qu’ils avaient à faire.

Près d’une heure plus tard, Kristell en eut fini avec le dos de Frédéric ainsi que son fessier, l’arrière de ses cuisses et ses mollets. L’homme avait de plus en plus de mal de ne pas hurler à chaque nouvelle incision. L’ancien ange le laissa souffler le temps que les dernières incisions se referment. Après quoi, Frédéric se retourna lentement pour lui permettre de continuer.

Au fil des conversations, Milla entrevoyait un peu mieux qui était Frédéric et ce qu’il faisait. Il lui livra, tant bien que mal, un récit de ses aventures depuis la nuit fatidique où, pompier, il avait subi le rituel, jusqu’à leur rencontre. Milla savait dorénavant parfaitement dans quoi elle s’était engagée, qui était Moloch et ce que la Grande Bibliothèque représentait comme enjeu. Elle comprenait le devoir qui était le leur et comment, malgré les évidentes tensions avec ce Westwood, ils avaient pu collaborer aussi efficacement. Ils partageaient tous les deux un sens inné du devoir. Même s’il n’en avait pas conscience, Milla savait déjà quel choix Frédéric ferait une fois opérationnel.

Une heure supplémentaire après, Frédéric se redressa et Kristell les laissa seuls dans la pièce. Ils n’eurent besoin que d’un regard pour se mettre d’accord. Tandis que ses plaies se refermaient, Frédéric enfila un pantalon treillis, un marcel blanc et des rangers avant de quitter la pièce accompagné de Milla. Ils se dirigèrent droit vers Westwood, d’un pas décidé. Celui-ci se retourna en les entendant arriver.

« - On intervient où et quand ? » demanda Frédéric, sans détour.

Westwood se mit à sourire.

« - Cette nuit au Mont McKinley ! »

Le commando se composait donc de Westwood, Frédéric, Milla, Giaz, celui de l’Unicorps ; celui du Mastercorps s’assurant de l’obéissance de Wormcell, ainsi que d’une dizaine de militaires sans aptitudes particulières.
Le soir venu, tous s’équipèrent. Bien que le Mont McKinley se situait au beau milieu de l’Alaska, les deux lycanthropes ne se vêtirent pas en conséquence. En revanche, ils firent un détour par l’armurerie. La discrétion était de mise et les flammes de Frédéric ne le seraient pas. Frédéric et Milla choisirent la même arme sans pour autant se concerter : un fusil famas muni d’un silencieux rectangulaire de dernière génération ; furtivité assurée.

Bien que le ciel d’orages perpétuels qui grondait au-dessus de leur tête masquait le soleil en permanence, Westwood préféra agir à la nuit tombée. L’obscurité y étant plus affirmée, signe que quelques rayons de l’astre parvenaient tout de même à traverser la couche nuageuse. Ainsi, aux environs de 23h, heure du Pacifique, Wormcell créa un portail pour transporter toute l’équipe aux abords du glacier Kahitna. Si Isaac avait fait partie de l’expédition, il aurait pu signaler, à titre purement informatif, que le Mont McKinley a été renommé dans certaines dimensions Denali, un mot de la langue koyukon, un peuple amérindien.

Contrairement à son accoutumée, Giaz ne partit pas en éclaireur. En effet, le reptiloïde voyait ses sens et particulièrement son flair diminuer drastiquement en milieu polaire. Ainsi la douzaine d’hommes avancèrent à pas lents sur le glacier. La chaîne montagneuse d’Alaska était particulièrement plissée. De très nombreux pics hérissaient la chaîne, la transformant en véritable labyrinthe pour qui ne savait pas où se rendre ... contrairement à Westwood. L’homme ayant suivi le programme Zénith, avait eu les yeux bandés à l’aller. En revanche, en ressortant du complexe, la situation était telle qu’aucune précaution ne fut prise. Il savait donc parfaitement où se trouvait le complexe et notamment les gardes camouflés sensés surveiller son accès.
C’est ainsi qu’après trois heures de marche, Westwood fit signe de s’arrêter tandis qu’il continuerait seul. En effet, étant donné la situation, il ne voulait pas que les gardes croient à une attaque en voyant le nombre de personnes arriver. Activant son armure et son camouflage optique et sonore, Westwood avança prudemment du poste de surveillance qu’il trouva sans difficulté mais quelle ne fut pas sa surprise en voyant les gardes. Étendus au sol, ils étaient morts. Leurs corps avaient été déchiquetés par quelque chose qui ne semblait pas leur avoir laissé une seule chance. Westwood ne trouva aucune douille à côté d’eux. Il n’y avait pour ainsi dire pas eu de combat. Il regarda alors avec plus d’attention leurs dépouilles. Leurs cages thoraciques avaient explosé et leurs entrailles étaient répandues partout autour d’eux, comme si on leur avait fait avaler une grenade.

Manifestement, le complexe Zénith était compromis.
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A suivre dans le chapitre 444 : Zénith au nadir, part 1