Terre 6354 - Unicorps, Annexe de Omsk, Russie

Maintenant qu’il n’y avait plus de menaces, le groupe put ratisser sereinement le bunker. Manifestement, la victime que l’Écorcheur principal avait fait juste avant leur combat était la dernière encore en vie. C’était comme s’il l’avait utilisée pour les attirer à lui ... ou plutôt à eux. A quatre, ils pensaient sincèrement venir à bout du petit groupe qui causait tant d’ennuis au Mastercorps. Cette mésestimation leur avait finalement coûté la vie.
Devant attendre une journée, le groupe se replia dans l’une des rares salles qui n’avait pas été le théâtre de massacres.

Les jours suivants, ils évacuèrent les annexes de Denver, Kinshasa et Lyon sans encombres.

C’est ainsi que le neuvième jour après le retour de Frédéric sur la Terre de l’Unicorps, ils parvinrent à l’annexe de Bogota, en Colombie, l’avant-dernière avant le repli total de l’Unicorps sur le site B. Forts de leurs succès les jours précédents, les membres de l’escouade se présentèrent presque trop confiants dans l’annexe colombienne. Mais à peine eurent-ils mis les pieds dans le bunker qu’ils comprirent à quel genre de situation ils allaient avoir à faire face.

Le bunker bogotanais était des plus sinistres. Il était froid, sombre et terriblement silencieux. Le lieu semblait avoir été bien entretenu. Il n’y avait aucune trace de combat. La première impression fut que personne n’avait pénétré ce lieu depuis son inauguration.

« - Aucun esprit errant ne hante ce lieu » informa alors Wade.

Étrange n’était qu’un doux euphémisme pour décrire le sentiment qui parcourait le petit groupe. Néanmoins certains d’entre eux avaient une sensation de déjà vu. Cet épais mystère qu’ils ressentaient leur faisait penser au complexe Zénith et les méfaits qu’avaient commis Jéricho et Christ-Hell. Mais comment pourrait-il en être de même ici alors qu’ils avaient été tous les deux tués au complexe ? Peu importe, ce mystère se lèverait tôt ou tard en avançant dans le bunker. Le groupe se mit alors en marche.

Ils ne tardèrent pas à arriver en vue de l’entrée de la première grande salle. Alors qu’ils commençaient à douter que le bunker n’ait jamais abrité âme qui vive, ils virent une jeune militaire à genoux, enchaînée pile devant la porte. Tous s’immobilisèrent.

« - N’avançççez pas ! » fit alors Giaz.

« - CCCCC’est le même genre de créature métallique qu’au complexssse. CCCC’est un piège ! » ajouta-t-il.

« - Ouais, en même temps ça pue à plein nez que c’est un piège. Une victime humaine, une femme, comme par hasard, enchaînée, qui bouche l’accès à une salle ... Quitte à retenir quelqu’un prisonnier, autant le faire dans un endroit à l’abri des regards » observa Frédéric.

« - Aideeezzz ... mooooiiiii » fit alors une faible voix en provenance de la victime.

« - Des clous ouais ! » rétorqua Frédéric.

« - Libéééreeeezzz ... moooiii ».

« - C’est dans ce genre de piège que nos hommes sont tombés au complexe ? » demanda alors Westwood à Giaz, quelque peu abasourdi par une telle naïveté.

Le reptiloïde fit une moue éloquente.

« - Il va tout de même falloir passer » fit alors Wade en avançant d’un pas décidé vers la victime.

A mesure que Wade avançait, un liquide métallique, argenté, commençait à suinter des pores de la victime. Vêtue de son treillis militaire, ce changement était difficilement décelable. Ayant franchi la moitié du chemin qui le séparait d’elle, Wade se saisit alors d’une de ses faux et l’envoya se planter droit dans le front de la victime avec une célérité qui surprit même Jeremiah.
Deux secondes s’écoulèrent sans que la créature ne semble réagir. Soudain les chairs et les vêtements de la jeune militaire explosèrent, déchiquetés par des dizaines de filaments métalliques acérés qui fouettèrent l’air en direction de Wade. Celui-ci s’immobilisa à bonne distance avant que son lui spectral ne surgisse de son corps et ne vienne saisir la faux plantée dans le crâne. Il en extirpa l’âme tout en revenant à son lui charnel. A peine l’âme fut-elle extraite du corps de la victime que les filaments métalliques retombèrent au sol sous formes de flaques. Quant aux restes de la jeune militaire, ou plutôt son squelette, il resta à genoux, toujours enchainé.

Wade observa l’âme de la jeune femme avec un semblant de curiosité avant de la réduire à l’état de néant dans un minuscule brasier azur.

« - Quelque chose t’intrigue » fit Jeremiah.

Wade se retourna vers lui sans aucune expression.

« - J’ai difficilement reconnu là l’âme d’un humain. Pourtant c’en était bien une mais ... c’était comme si elle avait été modifiée ».

Frédéric s’avança vers la dépouille du soldat et fit fondre les chaînes en apposant ses mains brûlantes dessus. Après quoi il observa le métal fondu au sol.

« - Le peu de temps qu’elle s’est animée, cette créature ressemblait en tout point à celle que j’ai combattu au complexe mais ... ce métal ... il semble plus ... brillant, un peu comme de l’argent ».

« - Cela ne peut s’agir d’argent, voyons. Le corps humain standard n’en possède pas dans on organisme. En revanche, il contient de l’aluminium ! » fit alors une voix que la plupart connaissait.

Le casque déployé, Westwood le redéploya immédiatement en reconnaissant la voix de Jéricho.

« - Je t’ai tué ! » fit alors Wade.

« - Si mon âme d’origine avait été dans mon corps à ce moment là, cela n’aurait fait aucun doute » répondit la voix de Jéricho.

« - Mais aujourd’hui, elle est bien là donc tu pourras essayer à nouveau de me tuer ... si tu me trouves, bien sûr ! »

Sur ce, la présence de Jéricho se dissipa, faisant douter même de sa présence réelle dans cette pièce.

« - Écoutez-moi bien ! Jéricho collecte des âmes par simple toucher et les attaques physiques ordinaires ne lui font rien. N’allez pas au corps à corps avec lui ! Tant que je porte cette armure, je suis à l’abri ... et Wade aussi à priori, mais aucun autre d’entre vous ne l’est ! » informa Westwood.

« - Ça va être pratique, tiens ! Qu’est-ce que je fais si je tombe sur lui, moi ? » fit Blanche.

Westwood et Frédéric observèrent alors leur groupe. Ils formèrent des duos qui ne devaient en aucun cas se séparer : Blanche et Jeremiah, Milla et Frédéric, Westwood et Stephen, Giaz et Wade et enfin le Giaz du Mastercorps avec Wormcell et Sandora. Chaque sous-groupe possédant ainsi quelqu’un à même de frapper physiquement et un autre de frapper à distance et d’une manière susceptible de blesser Jéricho.
Le groupe se mit donc en marche et parvint rapidement au réfectoire. Au complexe Zénith, c’était cette pièce qu’avait choisie Jéricho pour y installer son piège humain. Mais cette fois, la pièce était vide. La salle était spacieuse et hormis la porte par laquelle ils venaient d’entrer, il y avait cinq sorties, comme le nombre d’unités qu’ils avaient formées quelques minutes auparavant. Était-ce une coïncidence ? Bien qu’ils trouvèrent cela étrange, tous s’interrogèrent sur la porte à emprunter.

La première porte, au fond en face d’eux, était une double porte à battant menant vers les cuisines. La première porte à gauche, également à double battant, menait quant à elle vers la plonge. Les trois autres portes étaient des portes classiques et menaient respectivement vers le dortoir, la salle de vie commune et les bureaux de l’administration. Toutes ces portes étaient fenêtrées. Le bunker avait été pensé en plaçant le réfectoire au centre de tout.

« - Ah ! Les mammifères ! Toujours à penssssser avec leur ventre ! » fit Giaz, sur un ton pince sans rire.

Personne ne releva la tentative d’humour pour détendre l’atmosphère. Soudain une lueur émeraude apparut en simultanée derrière chacune des portes. Chaque personne du groupe vit au moins trois de ces lueurs avant qu’elles ne disparaissent.

« - C’était Jéricho, obligatoirement ! » fit Westwood

« - Monsieur j’enfonce les portes ouvertes, bonsoir ! » répliqua Frédéric.

« - Partout à la fois ? » s’étonna Sandora.

« - Il utilise un système de miroirs ou quoi ? » s’interrogea Milla.

« - Le meilleur moyen de le savoir, c’est de vérifier ! » prononça alors Wade en se dirigeant vers la porte donnant accès aux bureaux.

Une fois la porte ouverte, il jeta un coup d’œil à gauche puis à droite avant de se retourner vers le groupe.

« - Pas de miroir ici ! C’est donc la bonne porte ! » proclama-t-il.

Mais l’instinct de Frédéric lui disait que ce n’était pas aussi simple. Il s’avança jusqu’au fond du réfectoire et poussa les battants.

« - Pas de miroir non plus ici ! » indiqua-t-il.

Blanche prit alors Jeremiah à part.

« - Tu as vu plusieurs lumières ? » lui demanda-t-elle en chuchotant.

Le vampire lui répondit par la positive via un signe de tête.

« - Moi, je n’en ai vu qu’une seule » lui indiqua-t-elle en pointant du doigt la porte menant à la salle de vie commune.

Un regard suffit à Jeremiah pour comprendre de quoi il s’agissait. C’est alors que Westwood déclara de se séparer.

« - Qu’est-ce qu’on fait ? » demanda Blanche, toujours en chuchotant.

« - On ne leur dit rien ! Suis-moi ! » répondit son père prenant un air grave.

Tandis que Wade et Giaz partaient pour les bureaux et que Frédéric et Milla s’enfonçaient dans les cuisines. Jeremiah et Blanche pressèrent le pas pour emprunter la porte menant à la salle de vie commune. Westwood et Stephen empruntèrent les portes vers la plonge et ne resta plus qu’aux trois derniers les dortoirs.

Ceux-ci débouchèrent sur une pièce encore plus vaste que le réfectoire. D’innombrables lits superposés étaient parfaitement alignés suivants une dizaine de rangées. Sandora, le Giaz du Mastercorps et Wormcell avançaient lentement entre les lits et casiers personnels qui leur masquaient quelque peu la vue. Au début, ils vérifièrent systématiquement chaque lit afin de s’assurer que personne d’allongé ne tentait de se dissimuler. Après une trentaine de lits, ils se contentèrent de jeter un rapide coup d’œil afin d’avancer plus rapidement. Dépassant un énième casier, ils virent soudainement une silhouette allongée sur l’un des lits du dessous. Tous trois s’immobilisèrent. L’individu était immobile mais semblait respirer difficilement et de façon saccadée. Sandora gonfla ses poumons et s’avança seule vers le dit lit. L’individu, un homme, était comme tétanisé sur son lit. En sous-vêtements, il transpirait abondamment et ses yeux papillotaient en tous sens ... lorsqu’ils s’arrêtèrent sur Sandora.

« - Ai ... dez ... moi » fit-il difficilement.

Mais à peine eut-il dit ces mots que son corps fut parcouru de violentes convulsions. Le sons de déchirements atroces se firent entendre et l’homme se mit à hurler avant de voir sa peau se décoller presque intégralement de son corps, l’écorchant vif. L’homme cessa de crier au bout de quelques secondes tandis que la peau continuait de s’agiter en tous sens. Puis l’épiderme se réorganisa en tentacules divers. S’agrippant aux montants du lit, ils hissèrent le corps afin de le redresser et de le maintenir debout.

« - Le corps humain est magnifique ! Il me donne accès à tant de possibilités que c’en est déboussolant ! » dit alors la voix de Jéricho sans que quiconque ne puisse le localiser.
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Note 1 : Le titre, "Alma", signifie "Âme" en espagnol.
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A suivre dans le chapitre 459 : Alma, part 2 : Cuivre !