Terre 6354 - Unicorps, Colombie, Annexe de Bogota - Plonge

A peine Stephen en eut-il fini avec la créature bactérienne que deux autres menaces se levèrent contre eux. Toutes deux issues des corps de personnels de l’Unicorps, l’une n’était faite que d’eau tandis que l’autre était consumée par la propre électricité de son organisme.

Stephen s’était avancé naturellement vers la créature bioélectrique. Pas que Westwood puisse vaincre plus facilement la créature d’eau, il pouvait au moins lui résister plus aisément. Son armure comportait un système de défense corporelle. A la demande de Westwood, elle envoyait des décharges électriques qui maintenaient en respect la créature liquide.

Quant au sorcier, il déviait sans problèmes les arcs électriques que lui envoyait son adversaire. Il les déviait vers le plafond, le sol et les murs où ils se dissipaient sans danger. Soudain quelque chose l’interpella. Son attention fut détournée un bref instant. Il venait de ressentir quelque chose qui ne présageait rien de bon. Se reconcentrant totalement sur son affrontement actuel, le regard de Stephen s’électrisa à la formulation d’un nouveau sort : « - Skiptûr na Zibelthiurdos ! »^[1]. A ces mots, un sceptre éthéré se forma en parallèle de son bras gauche. Il attira toute la bioélectricité qui animait son adversaire pour la renvoyer sur la créature d’eau qu’affrontait Westwood.
En un instant, c’était fini. La pièce de la plonge était redevenue calme et silencieuse.

« - Jéricho nous a piégés ! Il n’est pas ici ! » comprit Westwood.

« - Pire ! Wormcell s’est enfui ! » répondit Stephen.

Westwood comprit instantanément pourquoi c’était pire que de s’être fait flouer par Jéricho.
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Bureaux

Bien que Wade était immobilisé par de puissants bras et que les vestiges charnels de son humanité étaient menacés par une créature hautement radioactive en approche, il restait calme. Il avait cessé de vouloir trancher la tête de celui qui le maîtrisait. Au lieu de cela, il s’agrippait aux bras du colosse de son unique main gauche ; son bras droit semblait pendre inerte le long de son corps. Soudain une flamme s’embrasa dans son orbite droite avant de disparaître et de réapparaître dans sa bouche. Un feu azur dévastateur fut projeté sur la créature irradiante. De longues secondes s’écoulèrent avant que l’être luminescent ne montre de premiers signes de faiblesse. Dans le brasier craché par Wade et dans l’incandescence du propre corps de la victime de Jéricho, on ne distingua que difficilement son âme sortir de son corps et être consumée. Une fois chose faite, son corps ionisant tomba au sol, inerte puis s’éteignit rapidement.

Totalement dépourvu de conscience, le colosse ne s’émut nullement de la mort de son acolyte de malédiction. Alors qu’on aurait pu s’attendre à un dénouement rapide également pour le colosse, les secondes s’écoulèrent sans que ce dernier ou Wade ne bouge d’un pouce. Les secondes se transformèrent en minutes lorsque soudain le bruit d’un objet lourd et métallique tombant au sol se fit entendre. La seconde suivante, Wade se soustrayait à l’emprise du colosse.

« - J’ai failli attendre » fit Wade en observant sa main gauche puis en jetant un coup d’œil au bras gauche du colosse tombé au sol.

Son contact désintégrateur avait dissous une partie du bras du colosse ... plus lentement qu’il ne l’aurait cru. Wade avait fini par comprendre que le colosse était composé de plomb, d’où son étonnante résistance face aux radiations de son acolyte.
Bien qu’il se soit libéré, ce n’était pour autant pas encore fini. Wade déploya l’une de ses faux. Sa bure s’obscurcit drastiquement tandis qu’il enflammait la lame de sa faux. Une fois la lame devenue étincelante, Wade fondit sur le colosse et faucha son âme en traversant sa carapace comme s’il fut agi d’un couteau pénétrant dans du beurre.

Une fois qu’il s’eut assuré qu’aucune autre créature menaçait de s’abattre sur lui, Wade se retourna pour voir comment s’en sortait Giaz. Le reptiloïde était à quatre pattes sur le sol, entouré de volutes de gaz jaune pâle. Les parties tendres de son cuir étaient à vif ; il saignait abondamment et vomissait ses tripes sur le sol. Wade comprit du premier coup d’œil que le gaz dont était constitué son adversaire était des plus corrosifs. Sa nature même le rendait insaisissable ... mais rendait son âme bien plus facile à atteindre. Rangeant son arme, Wade s’avança vers les deux antagonistes comme si de rien n’était. Lorsque la créature gazeuse se rendit compte de son approche, elle fit mine de se retourner vers lui. Mais en tendant simplement sa main droite vers elle, Wade pratiqua un exorcisme aussi simplement que de claquer des doigts. Le gaz se dissipa laissant Giaz au sol. Wade s’avança jusqu’à lui, restant droit comme un i, baissant à peine la tête pour le regarder. Étalé sur le sol, Giaz observa Wade avec difficulté, sa vue se voilant. Son visage avait été en partie rongé par le gaz et il suffoquait dans son propre sang. Wade lui tourna alors le dos avant de s’immobiliser.

« - Repose en paix ! » dit-il sobrement avant que son double spectral ne surgisse de son dos pour faucher l’âme du reptile et mettre ainsi un terme à des souffrances inutiles.

Regardant droit devant lui, Wade vit à nouveau le tentacule avec l’œil au bout du couloir, comme le narguant. Son spectre se solidarisant à nouveau avec son corps de chair, Wade s’élança comme une flèche vers le bout du couloir, bien décidé à mettre un terme à ce cirque.
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Salle de vie commune

Alors qu’une senteur d’œufs périmés envahissait la pièce, père et fille ne tardèrent pas à voir apparaître la source de ces effluves nauséabondes. Il s’agissait d’une créature autrefois humaine qui semblait fondre littéralement au fil des secondes. Sa peau et ses chairs superficielles étaient tellement dégradées que l’on ne parvenait plus à savoir si cela avait été une femme ou un homme. Une chose était sûre, la créature souffrait de son simple état. Son état de liquéfaction allié à l’odeur nauséabonde indiquait que la créature était sous l’influence d’un acide sulfurique, un acide particulièrement corrosif. Le meilleur moyen de le neutraliser était de l’arroser abondamment de bicarbonate de soude afin de ramener son pH à un niveau neutre. Cela, en tant qu’ancien pompier, Frédéric le savait parfaitement ... Malheureusement Jeremiah n’avait pas la même expérience que lui en la matière. Le seul moyen qu’il pensait bon pour neutraliser la créature était de l’enfermer dans un bloc de glace. Mais à peine eut-il formé la gangue de glace autour de la créature que celle-ci explosa violemment dans une puissante réaction exothermique. Le souffle de l’explosion coucha Jeremiah et Blanche un court instant.

« - Qu’est-ce qui s’est passé ? » demanda Blanche tout en se relevant.

« - Une quelconque réaction chimique qui m’était inconnue, j’imagine » fit le vampire en se relevant à son tour.

Bien que c’eut été particulièrement violent, le résultat était là. Il ne restait de la créature que des restes épars, desséchés et complètement inertes.

« - Ça pue toujours autant par contre » remarqua Blanche.

« - Oui, c’est une odeur ten ... ace ... » commença à répondre le vampire avant que son corps ne perde toute tension.

Blanche se retourna vers son père et le vit complètement mou, dépourvu de toute volonté.

« - Papa ? Qu’est-ce qui t’arrive ? ... Papa ? »

Blanche commença à le secouer mais Jeremiah ne réagissait plus. Elle ne comprenait pas ce qui se passait lorsqu’elle vit qu’une volute à peine discernable les entourait. Un nouvel ennemi à n’en pas douter mais comment allait-elle affronter un ennemi insaisissable que ses machettes ne pouvait atteindre ?

« - Intéressant ! Tu résistes aux effets du lithium psychiatrique » fit alors la voix de Jéricho avant de lui apparaître.

Blanche sortit machinalement ses machettes, ce qui fit sourire Jéricho.

« - Le combat est fini avant même d’avoir commencé » fit l’être perfide.

« - C’est ce qu’on va voir ! » releva Blanche, juste avant de fondre sur lui comme un éclair.

Mais comme craint, ses machettes le traversèrent sans lui infliger le moindre dégât. Blanche ne se laissa pas démonter et tenta de le lacérer à de multiples reprises et sous différents angles. Mais rien n’y faisait.

« - Tu as fini ? » lui demanda alors Jéricho.

Blanche cracha au sol et se mit à sourire.

« - Je ne fais que commencer ! » répliqua-t-elle avant de recommencer à le harceler.

Jéricho finit par se lasser de cette danse ridicule et tenta à plusieurs reprises de lui saisir l’esprit entre ses doigts phosphorescents. Si Blanche ne parvenait pas à le blesser physiquement, elle s’assurait néanmoins de rester suffisamment véloce pour empêcher son adversaire de l’attraper.

« - Je vois ! Ça ne te dérange pas si j’invite un ami ? » dit alors Jéricho qui masquait mal son agacement derrière un sourire de façade.

Soudain, Blanche vit une haltère se diriger vers elle à toute vitesse. La jeune femme l’esquiva de justesse. Elle regarda dans la direction d’où venait le projectile, s’attendant à voir un autre monsieur muscle. Mais elle ne vit rien à sa plus grande surprise lorsqu’un disque d’haltère la frappa douloureusement à l’épaule. Là encore, elle ne vit personne qui ait pu le lui envoyer avec une telle force. C’est alors qu’elle crut comprendre à qui elle avait affaire.

« - Un télékinésiste ? » fit-elle, presque amusée.

« - Pas loin ! Plutôt quelqu’un capable de manipuler les champs magnétiques ! »

« - Les champs magnétiques ? Donc il ne manipule que ce qui est fait de métal, peuh ! »

« - Regarde autour de toi, mon enfant. Il y a bien assez de métal ici ! »

Blanche jeta un coup d’œil autour d’elle. Son adversaire n’avait pas tort. Outre les haltères de l’aire de musculation, toutes les chaises et tables avaient des pieds en métal sans oublier tout ce qui comportait des vis ou des clous. Blanche serra les dents lorsque soudain, tout se mit à voler autour d’elle. Sentant ses machettes être attirées, elle raffermit sa poigne sur leurs poignées. Hors de question qu’elle laisse l’inconnu retourner ses armes contre elle.

Lorsque les premiers projectiles vinrent la frapper, elle comprit rapidement son erreur. L’adversaire mystère se servait de ses machettes pour gêner ses mouvements. Plusieurs objets vinrent la blesser, la lacérer sans qu’elle ne parvienne à les esquiver efficacement. Plus elle forçait sur ses machettes, plus elle sentait une traction les tirer fort. C’est alors qu’une leçon de son père lui revint à l’esprit. Alors que davantage de projectiles venaient la frapper, Blanche exerçait toujours plus de force sur ses armes. Elle vit soudainement Jéricho s’avancer dans le champ de débris métalliques tournoyant autour d’elle. La créature n’était pas soumise aux attaques physiques et pouvait donc avancer sans se soucier de quoi que ce soit. Bizarrement, Blanche sentait que la traction sur ses armes provenait de la même direction que Jéricho. Ce n’était pas lui qui exerçait cette force magnétique mais celui qui le faisait se cachait bien soigneusement dans l’angle mort que lui offrait Jéricho. C’était le moment idéal. Elle exerça toute la force musculaire qu’elle put sur ses armes. En retour la créature exerçait un champ magnétique toujours plus fort. Blanche lâcha alors ses armes sans crier gare. Elles fendirent l’air, traversèrent Jéricho et se plantèrent dans la créature à l’origine du champ magnétique en une fraction de seconde. L’instant d’après, tous les débris tombèrent au sol.

« - Mmmh ! Je dois admettre que c’est bien joué ! La prochaine fois, peut-être faudra-t-il que j’octroie à mes créations un intellect plus développé ».

« - Qui te dit qu’il y aura une prochaine fois ? » fit soudain Jeremiah.

Stupéfait, Jéricho eut tout juste le temps de se retourner vers le vampire qu’une flèche télékinétique pulvérisa son bras gauche jusqu’à la clavicule. Jéricho se mit à hurler. Il ressentait une douleur comme à nulle autre pareille. Jeremiah commença à tendre à nouveau son arc lorsque Jéricho se reprit. Surpassant l’abominable douleur qu’il ressentait, il recula tel un fantôme et traversa le mur de la pièce pour échapper à un nouveau tir.
Jeremiah hésita un instant et finit par détendre lentement son arc.

« - Pourquoi ne pas avoir tiré ? Tu aurais pu traverser le mur avec cette arme » fit Blanche.

« - Et potentiellement blesser l’un de nos camarades qui pouvait potentiellement se trouver dans la trajectoire ».

« - Ah ... oui. Mais ... qu’est-ce qui t’es arrivé ? »

« - La créature de lithium a essayé d’endormir mon esprit » répondit le vampire en rangeant son arc.

« - Essayé ? »

« - Moi hors-jeu, il était certain que ce Jéricho se montrerait ; j’ai donc simulé. Je te félicite pour ta tactique ! » répliqua-t-il en ramenant par télékinésie les machettes à sa fille.

Blanche se mit à sourire. Elle avait conscience qu’elle avait encore beaucoup à apprendre de son père.
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Dortoirs

Débarrassée de la créature de lumière qui l’aveuglait, la sirène pensait pouvoir dorénavant affronter le colosse de métal. La désillusion vint dès le premier échange. Sandora ne savait pas en quoi était faite cette créature mais elle ne parvenait pas à l’arrêter. Elle semblait insensible à ses cris aussi puissants fussent-ils. Le colosse avait changé d’approche depuis que sa comparse avait été neutralisée. Au lieu d’effectuer de longues ruades, le colosse de métal attaquait Sandora au corps à corps, ne lui laissant que peu de temps pour reprendre son souffle entre deux esquives. La sirène en avait conscience et recherchait désespérément un moyen de lui faire gagner quelques menues secondes.
Après une énième esquive, elle vit enfin une possible solution : le faux plafond et son armature métallique. Étant donné la puissance de la créature cela ne la gênerait certainement pas longtemps mais cela pourrait être suffisant pour elle. Reculant d’un pas, la sirène dirigea un cri suraigüe vers le plafond. Les dalles de faux plafond et l’armature métallique chutèrent sur le golem de métal dans un grand nuage de poussière. Sandora en profita pour reculer de plusieurs mètres. Elle pratiqua plusieurs expirations afin d’évacuer le plus de CO₂ possible contenu dans ses poumons puis inspira grandement, gonflant la moindre alvéole de ses organes. Face à elle, le mastodonte métallique s’était dégagé des quelques décombres qui lui étaient tombées dessus. Il sortit du nuage de poussière, marchant d’un pas rapide à l’encontre de Sandora.
Nullement impressionnée, Sandora sembla sourire juste avant de pousser sa hurlante. Le cri qui en résulta fut d’une puissance incomparable. Les dalles de linoléum au sol se décollèrent avant d’être immédiatement pulvérisées. Les draps des lits alentours et le faux plafond furent atomisés dès les premières secondes. Suivirent les matelas et les meubles en bois ou en PVC. Le colosse s’immobilisa lorsque les armatures des lits commencèrent à se désagréger sous la puissance du hourvari rugissant. L’implacable forçait pourtant de toutes ses forces mais il ne parvenait plus à faire un seul pas. Mieux, il semblait même commencer à reculer à la vue des sillons dans le béton du sol qu’il laissait. Cela motiva la sirène qui poussa plus fort son cri.
De premières pellicules métalliques commencèrent enfin à se détacher du corps du golem. Sandora ne devait pas relâcher l’effort, elle tenait le bon bout. Bientôt la carapace du monstre commença à se parsemer de perforations. Sandora eut tout juste le temps de voir apparaître le cadavre de chair et d’os en-dessous que sa hurlante l’égrugeait déjà. Le derme métallique n’était finalement qu’une seconde peau d’à peine un demi-centimètre d’épaisseur.

Mettant ses cordes vocales à rude épreuve, Sandora poussa encore un peu plus sa déferlante sonique jusqu’à faire totalement disparaître le golem de métal. L’attaque finie, toute tension quitta le corps de Sandora. Ses épaules s’affaissèrent, ses paupières s’abaissèrent quelque peu. La sirène s’effondra littéralement. Allongée sur le dos, les jambes et bras écartés, elle était à bout de souffle. Du sang émaillait le bas de son visage autour de sa bouche. Mais peu importe, elle avait gagné, c’est tout ce qui comptait.
Derrière elle, le Giaz du Mastercorps s’avançait bizarrement d’elle.
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[1] - Note 1 : "Skiptûr na Zibelthiurdos" est une tentative de pseudo-francisation de "Skiptŭr na Zibelthiurdos" qui signifie en bulgare "Sceptre de Zibelthiurdos". Zibelthiurdos étant le dieu thrace de la tempête et maniait la foudre comme un sceptre. La Thrace se trouvant à cheval sur la Grèce, la Turquie et la Bulgarie, j’ai décidé d’employer la langue du pays actuel où la Thrace s'étendait majoritairement.
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A suivre dans le chapitre 462 : Alma, part 5 : Fosforo !