Terre ??? - Oros - la Grande Montagne

Alors que la tête du Kuzgwar dévalait lentement la pente, Jeremiah se demanda qui ou quoi avait bien pu pousser un tel râle. Le cri avait était poussé en réaction au meurtre du Kuzgwar. Était-ce son maître qui avait crié ? Avait-il ressenti sa mort ? Quoi qu’il en soit, Jeremiah voulait en avoir le cœur net. Il ne pouvait laisser une menace potentielle planer au-dessus des terres d’Oros et décimer d’éventuels villages éloignés de wenja. Le vampire entreprit alors de gravir le couloir en pente. Celui-ci semblait interminable ; jusqu’où montait-il ainsi ? Mais surtout où était cette créature ? Cela faisait près de dix minutes qu’il s’était lancé à sa poursuite et il n’en avait rien vu ne serait-ce que l’ombre. Avait-il rêvé en entendant ce râle furieux ? Non, il avait semblé ébranler les parois de la caverne même, ce n’était pas une illusion. Jeremiah accéléra le rythme. A peine cinq minutes plus tard, au détour d’une énième coudée, le vampire se retrouva face à la sortie de la caverne. Il ralentit alors et sortit.

Quelle ne fut pas sa surprise d’arriver sur un plateau rocheux d’une étendue insoupçonnée. Où qu’il regardait, il n’en voyait pas les limites. Et plus étrange encore, à cette altitude, le plateau était couvert d’un manteau de verdure, d’une végétation florissante et variée. Où était-il arrivé ? Mais plus important encore, où était la créature qu’il pourchassait ? Il s’avança un peu sur le plateau à la recherche d’une quelconque piste à suivre ... mais rien. C’était comme si cette terre était vierge de toute empreinte. Il se mit à humer l’air. L’atmosphère était empli d’une puissante odeur florale ... et d’une fragrance plus désagréable qui ne semblait pas avoir sa place dans ce petit paradis caché. Elle était discrète mais il n’y avait pas à se tromper, il s’agissait des relents d’un cadavre en putréfaction. Il remonta la piste olfactive sans trop de mal jusqu’à arriver à un parterre de fleurs. Ou plutôt un massif de fleurs diverses et s’entremêlant les unes aux autres, mais toutes d’un rouge éclatant.

Malgré la senteur tenace de fleurs, c’était bien de ce massif qu’émanaient les relents ... ou plutôt de sous le massif. Sans hésiter, le vampire gela l’intégralité du massif. Une fois complètement cristallisé, Jeremiah le fit voler en éclats d’une bourrasque télékinésique.
Il découvrit alors, enchevêtré dans les racines des fleurs, le cadavre d’un homme totalement desséché, dont le sang avait été drainé par les plantes.
Son squelette parfaitement discernable sous sa peau fripée, le vampire s’aperçut qu’il n’était pas comme les wenja ... et encore moins comme les udam. Son anatomie semblait être celle d’un homme moderne.

« - Un izila peut-être ? » se dit le vampire à voix haute.

« - Certainement pas ! » fit alors une voix grinçante et désagréable.

Jeremiah se retourna vivement et vit face à lui une créature improbable. La première chose qu’il perçut de la créature fut ses larges ailes munies de plumes mais dont les carpes et métacarpes étaient proéminents telles des griffes d’une quarantaine de centimètres. Puis il vit sa face, ou plutôt son hideuse tête. Il ressemblait à un vautour des plus lugubres avec deux séries de trois petites cornes sur le front et un bec imposant et dentelé. En plus de ses ailes, il avait également une paire de bras qui se finissaient par deux puissantes mains à trois doigts, ou plutôt trois serres ... tout comme ses pieds.

« - L’humanité le connaîtra comme la victime du premier meurtre ... même si c’est quelque peu erroné » ajouta la bête, finissant sa tirade par un claquement de bec.

Jeremiah écarquilla les yeux. Se pouvait-il qu’il était en présence du cadavre de ... ? Mais la bête ne le laissa pas divaguer. Il fit à nouveau claquer son bec. Le vampire sentit son regard. Il était perçant et intrusif.

« - Lequel parmi mes frères t’a amené ici ? »

Jeremiah ne comprenait pas.

« - Tu n’es manifestement pas un fils de l’Éternel et encore moins issu de l’évolution naturelle de cette ère. Et puis ta physiologie ressemble étrangement à la créature que j’ai créée et que ces wenja appelaient kuzgwar » fit la bête en avançant sa tête vers Jeremiah sur son long cou.

Le vampire serra les dents.

« - C’est toi qui a créé ce monstre ? » cracha-t-il.

« - Oui et j’en était fier ... jusqu’à ce que tu arrives ! » répliqua la bête en plissant les yeux.

Jeremiah sentit la colère bouillir en lui. Néanmoins, il devait se contrôler. Ça ne lui avait pas réussi contre le Kuzgwar et cette bête semblait autrement plus dangereuse. Regagnant son sang froid, le vampire se concentra. Son regard devint laiteux à mesure qu’il abaissait la température de l’environnement. Alors qu’il n’avait abaissé la température que de deux degrés à peine, la bête écarta ses ailes. Tout ce que Jeremiah perçut alors fut le son d’un battement d’ailes. La seconde d’après la bête le soulevait du sol à bout de bras en le tenant par la gorge.

..oO( Bon sang, elle est rapide la saleté !)

Sans attendre, Jeremiah porta ses mains au bras de la bête. Ses iris rayonnèrent de bleu alors qu’il commençait à lui geler le bras. Mais encore une fois la bête réagit promptement. Elle plaqua le vampire avec une force inouïe sur le sol. Le choc avait été rude. Le vampire était quelque peu étourdi.

« - Tu es bien impétueux pour une si petite créature ! » fit la bête.

« - Et encore, tu n’as rien vu » rétorqua Jeremiah avec un sourire aux lèvres.

Puisant dans ses ressources les plus enfouies, le vampire commença à s’entourer d’une armure de glace. Tenant toujours son adversaire par la gorge, la bête eut la surprise de voir sa main être congelée presque instantanément. Elle fit claquer son bec et frappa une nouvelle fois Jeremiah contre le sol avec une force redoublée. Il réitéra l’attaque trois fois jusqu’à ce que la glace qui emprisonnait sa main n’éclate et le libère. L’armure de son adversaire continuait de se constituer. La bête ouvrit alors son bec en grand et poussa un puissant hurlement avant de commencer à aspirer l’air. Non, pas l’air. Bien qu’étourdi, il sentit immédiatement l’effet de la technique de la bête. Il sentit son sang être irrémédiablement attiré jusqu’à ce qu’il perce sa peau et ne s’échappe de son corps. Bien loin de l’avaler, la bête forma une boule du sang qu’il extraya du vampire entre ses mâchoires. Jeremiah sentit ses forces le quitter avec une vitesse hallucinante. Bientôt il n’eut plus la force de rester éveillé et sombra dans le coma.

« - Qui que ce soit qui t’a créé et envoyé maintenant va le regretter ! » dit la créature en ouvrant un portail de feu dans lequel il se glissa, emportant Jeremiah avec lui.

C’est bien ce qu’avait pensé Jeremiah, cette créature, ce monstre, n’était pas de ce monde. Avec un peu de chance, le lieu où il l’emmenait lui permettrait d’en savoir plus sur l’origine des vampires mais, et surtout, un moyen de quitter cette planète pour rejoindre ses amis.

Quelle ne fut pas sa stupeur lorsque le portail passé il arriva dans un lieu où la terre était rouge et sulfureuse. La chaleur qui y régnait était accablante. Non c’était bien plus que ça, elle était suffocante, écrasante ... infernale ? Impossible ! Le monstre ne serait tout de même pas un démon ? Comment allait-il bien pouvoir s’échapper des enfers si c’était bien là qu’il l’avait amené. Regardant aussi discrètement que possible les alentours pour ne pas révéler à son adversaire qu’il était toujours conscient, tout ce qu’il vit fut de la terre rouge. Il ne pouvait pas relever la tête pour voir autre chose.

La créature ne fit pas plus de quelques mètres avant de s’arrêter en présence d’une autre créature.

« - Où sont mes frères ? » fit le monstre à tête de vautour.

« - Certains d’entre eux ne sont pas encore rentrés, les autres sont actuellement à la Caïnie » répondit craintivement la créature, sûrement un démon de bas rang.

Le monstre fit claquer son bec, trahissant son mécontentement. Puis il déploya ses ailes et s’envola.

« - Pourquoi faut-il qu’ils se rendent là-bas ? » râla le vautour.

La Caïnie, Jeremiah savait parfaitement ce que ce terme désignait. Il s’agissait d’une zone du Cocyte, le seul et unique lac gelé des enfers. Il était donc bel et bien en enfer. Le vampire se maudit d’avoir joué ce jeu. Jamais il ne pourrait en repartir, son sort était jeté.
Malgré la vitesse avec laquelle le vautour volait, le vampire put apercevoir certains reliefs du paysage. Il vit au loin une forêt dense ; peut-être serait-ce un lieu où il pourrait se dissimuler s’il parvenait à échapper à son ravisseur. Plus loin encore, presque à l’horizon, il vit une flèche se dresser fièrement et de façon sinistre. Sans le savoir, Jeremiah voyait Dité, la cité considérée comme la capitale des enfers.

Le vol du vautour ne dura pas longtemps avant qu’il ne pose le pied au sol. Immédiatement le vampire ressentit la baisse drastique de la température ; ils étaient arrivés au Cocyte. Non loin de là, il entendit une créature parler.

«  - Le seigneur Camazotz a accepté le présent de notre roi » fit la créature.

« - Cela aurait été une folie que de refuser » fit une autre créature au ton insidieux.

Le vautour s’approcha des deux créatures d’un pas décidé. Sous ses yeux, Jeremiah vit une glace aussi transparente que du verre. Elle semblait presque immatérielle tellement elle était cristalline. Mais le vampire n’eut pas le temps de la contempler bien longtemps avant d’être jeté tel un vulgaire sac d’ordures entre les créatures qui palabraient. Bien que le choc fut aussi surprenant que brutal, Jeremiah s’évertua de ne pas bouger, fermant les yeux. Il sentit contre sa joue la froideur du Cocyte. Jamais il n’avait éprouvé un tel froid. Il s’insinuait en lui jusque dans ses os. Comment pouvait-il connaître un tel froid alors qu’il maniait la glace sans sourciller ?

« - A QUI EST CE DÉCHET ?? » cria le vautour.

On l’avait traité de bien des choses mais pas encore de déchet. C’était une première se dit le vampire.

« - Qu’est-ce que c’est ? » fit la créature au ton insidieux.

« - La créature que l’un de vous a créée et envoyée pour saboter mon œuvre » répondit le vautour.

« - Ton œuvre ? Ah ! Insuffler le fléau à un homme des cavernes, tu appelles ça une œuvre ? » fit une quatrième créature qui ne s’était pas encore exprimée.

Celui qui avait cité Camazotz s’approcha alors de Jeremiah et l’observa.

« - Mmmmh ! C’est un simien ... et tu prétends que ce n’est pas ton œuvre ? »

La créature se tourna vers celle au ton insidieux, qui poursuivit.

« - Alors il s’agit des conséquences des agissements de Pirig ! »

« - Déjà ? »

« - OU EST-IL ? » hurla le vautour.

A peine eut-il hurlé que le vautour se mit à gémir en mettant un genou au sol. Grâce à la glace cristalline, Jeremiah put voir qu’il avait reçu deux fins traits d’énergie rouge dans un genou. Immédiatement les trois autres monstres s’agenouillèrent. Le vampire put alors se rendre compte de leur physique. Ils avaient tous des ailes à la façon du vautour mais avaient une tête bien différente. Celui qui l’avait observé avait une face de bélier aux cornes enroulées sur plusieurs tours, crénelées et couvertes de minuscules pointes. Celui au ton insidieux avait le faciès d’un cobra dont la coiffe était bordée d’épines. Enfin celui qui s’était moqué du vautour avait une stature bien plus imposante et présentait une tête de taureau. Face à eux, une forme drapée de rouge apparut.

« - MON ROI ! » firent-ils tous à l’unisson.

« - Vous autres, Utukku, êtes bien bruyants. Je me demande si j’ai bien fait de conclure un marché avec votre maître Pazuzu pour me voir attribuer une ascendance sur vous ! »

Le silence se fit, seul le vent glacé qui parcourait le Cocyte siffla quelque peu aux oreilles. Les monstres, les Utukku, ne pipèrent mot.

« - En plus d’être bruyants, vous semblez également quelque peu incapables, à l’image de Musen ».

L’homme en rouge avait le regard qui se mit à flamboyer en regardant le vautour agenouillé de force. Les autres Utukku lui jetèrent un regard mauvais.

« - As-tu quelque chose à objecter, Musen ? »

Mais le vautour ne répondit pas.

« - Je te donne la possibilité de t’exprimer, mieux vaut pour ta misérable carcasse que tu la saisisses ! »

« - Mon œuvre était couronnée de succès, mon roi. Jusqu’à ce que Pirig ne m’envoie une de ses créatures pour tout saboter ».

Jeremiah sentit alors le regard de l’homme en rouge se porter sur lui. Il était oppressant et tout aussi intrusif que celui de Musen, si ce n’est plus. Jeremiah fut alors soulevé du sol et amené face à l’homme en rouge.

« - Si tu as pu tromper Musen, ce n’est pas le cas pour moi. Cesse de faire le mort ! » lui dit alors l’homme en rouge.

Jeremiah rouvrit alors les yeux. Il n’avait pas encore eu l’occasion de bien observer celui que les Utukku semblaient craindre. Mais, maintenant qu’il était face à face avec lui, le vampire écarquilla les yeux en le reconnaissant. Il s’agissait du vagabond rouge. Celui-là même qui avait incinéré une faucheuse pour aider Wade sur la Terre des nazis. Sa démonstration de puissance d’alors, ajoutée à la révérence qu’Ankou avait eu face à lui suffisaient pour faire comprendre qu’il était surpuissant. Mais en plus de cela, les utukku l’appelaient "roi". Qui donc était-il ?

« - Tu sembles me connaître. En revanche tu m’es parfaitement inconnu ... C’est bien la première fois que cela m’arrive. Qui donc peux-tu bien être ? »

Le vagabond rouge jeta un coup d’œil à Musen et vit la sphère de sang qu’il tenait dans sa main droite. Puis il reporta son regard sur le vampire.

« - Tu as déjà commencé à le récupérer » fit-il, semblant esquisser un sourire.

Mais cela pétrifia Jeremiah. Depuis qu’il avait compris où il était arrivé, il avait commencé à réabsorber, presque globule par globule, le sang que Musen lui avait fait perdre. C’était insignifiant mais cela passait complètement inaperçu ... mais pas aux yeux du vagabond rouge. Celui-ci tendit alors la main vers Musen et récupéra l’orbe de sang. Sans dire un mot, il engouffra l’orbe de force dans la bouche de Jeremiah. Le vampire reprit des formes et des couleurs presque instantanément. Le vagabond rouge approcha Jeremiah de son visage et le regarda dans les yeux.

« - Mais qui es-tu donc ? »
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Note : Voici une illustration préparatoire au récit que j'ai fait de Musen :

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A suivre dans le chapitre 422 - A l'origine du fléau, part 2